La Serbie

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année. — No 48

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_ Prix du: Numéro!

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Rédacteur en chef:

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La. Serbie à la conférence de la paix

La conférence interalliée se réunira la semaine prochaine pour élaborer les prélimipaires de (a paix. Chaque puissance alliée exposera à celte occasion ses revendications particulières, dont la légitimité sera examinée par la conférence...

La Serbie se présentera à la conférence en sa qualité nouvelle de Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, mais cette union nationale ne diminue nullement les titres positifs que le peuple serbe entend faire: valoir à l'appui de ses aspirations nationales. Les principes wilsoniens dont veulent se réclamer aujourd'hui aussi nos ennemis, ne signifient pour la Serbie que la consécration des droits sacrés qu'elle a acquis bien avant les messages de M. Wilson par sa: lutte héroïque et par son idéalisme politique sans pareils. En,

l'Allemagne aurait eu des chances beaucoup plus favorables pour la guerre générale.

Furieuse dés victoires serbes, l’AutricheHongrie, poussée. et appuyée par l'Allemagne, essaya tout pour circonscrire les succès du petit Royaume. Après avoir forcé la Serbie de se retirer de l'Adriatique, l'Austro-Allemagne lança la Bulgarie, le 29 juin 1913, contre notre pays dans l'espoir de nous voir-écraser par les Prussiens balkaniques. La victoire serbe de Bregalnitsa, fit échouer ce plan diabolique et | pour la deuxième fois en 1913 la Serbie échappa au sort que le germanisme lui préparait. La, solidarité serbo-gréco-roumaine de | 1913 remporta un gros succès et il ne dépen| dait que de ces trois peuples pour conserver à | jamais la paix dans les Balkans. Malheureusement la Grèce et la Roumanie n'étaient pas mûres pour une politique anti-germanique. Le traité de Bucarest qui devait former la base de cette triple alliance balkanique fut abandonnée aussi bien par la Grèce que par la Roumanie au moment même où il devait produire ses effets principaux. La Serbie resta ainsi le seul rempart contre la « Drag nach Osten » germanique. En 1914, l'Autriche et l'Allemagne étaient décidées à accomplir elles-mêmes ce que leurs mercenaires turcs et bulgares n'avaient pu réaliser. La Serbie résista et l'Entente la soutint cette fois-ci. L'appui que les Alliés ont donné à la Serbie, notre pays l'a dignement mérité. Il a été saigné à blanc mais il a tenu ferme. La Roumanie, non seulement nous abandonna à notre sort en 1915, mais elle alla jusqu'à conclure en 1916, à nos dépens et derrière notre dos, un:accord avec les Alliés qui fut ensuite périmé, par la paix séparée de’ la Roumanie mais qui n'en forme pas moins un document dont les Roumains n'ont aucun motif de s'enorgueillir. Nous n'avons pas eu de traités avec les Alliés en 1915 mais à aucun moment de notre catastrophe nationale l'idée ne nous fût venue de conclure une paix séparée. La Roumanie, dans un moment semblable, n'a pas eu la même attitude. Quant à la Grèce constantinienne, elle nous avait trahis formellement et elle nous abandonna aux Bulgares. Le roi Constantin n'attendait que l’occasion de servir son beau-frère Guillaume, sans se soucier des véritables intérêts du peuple grec. Grâce à Vénizelos, le peuple hellène est revenu à la politique de solidarité balkaniqué et les divisions grecques ont rivalisé d'ardeur combative dans la dernière offensive en Macédoine. Et la Roumanie se trouve actuellement en état de pouvoir reprendre les fils de:cette politique de 1913, la seule qui: soit dans l'intérêt de son développement national.

L'Italie, ancien membre de la Triple Alliance, avait adopté une attitude particulière. De fait, l'Italie n’a jamais. envisagé comme une réalité politique la libération et l'union. intégrale de notre nation. Elle se préparait plutôt à se protéger contre l'Autriche-Hongrie en s'assurant la possession d'une bonne partie de ee sol national: L'Histoire dira si l'Italie avait eu l'idée de s'arranger à l'amiable avec l'Autriche, aux dépens de nos territoires, et de rester neutre jusqu’à la fin de la guerre; ou bien si elle avait dès le début de la guerre mondiale la vision claire de l'importance de la lutte engagée. Ce qui est certains c'est que l'Italie posait une condition pour son intervenfion à côté des Alliés, que des avantages spéciaux lui soient tn et. que: la: Serbie. n'en eût pas connaissance. Le traité de Londres consacra ce marchandage.

L'annexion de la Bosnie-Herzégovine en 1908. avait. blessé au cœur là nation serbe. L'Europe seulement, pour conserver la paix, était disposée à accepter sans murmure cette atteinte flagrante aux principes les plus élémentaires du Droit International. Les protestations serbes réveillèrent cependant la conscience des démocraties occidentales qui ne manquèrent pas des'apercevoir du gros péril que comportait l'acceptation de cette pratique dangereuse etimmorale de changer un traité international telque’le traité de Berlin, par la seule volonté d'une. des-puissances signataires. Devant la menace allemande; l'Entente céda pourtant et

conseilla à la Serbie de faire de même. La crise. bosniaque se termina par la victoire diplomatique allemande; mais là victoire du Droit et de la Morale fut du côté serbe.

En 1912, sur le conseil de la Russie, la Serbie avait conclu. un traité d'alliance avec la Bülgarie, mais ce traité, dans la pensée austrobulgare, devait être le tombeau de l'indépendince serbe. D'accord avec l'Autriche, la Bulgarie escomptait une défaite serbe, et pour: rendre: plus sûre: cette. défaite, les Bulgares retirèrent au dernier moment leur engagement contractueliet-n'envoyèrent pas aux Serbes les 100:000 soldats promis. Un fait encore plus grave et qui reste à éclairer, c'est l'empressement des Tures à attaquer les Serbes à Koumanovo, avant la jonction opérative des trois arméés serbes sur le plateau entre Uscub, Stipet Veles, : mais aussi avant que la: concentration des armées turques fût achevée. La suggestion en. était venue: probablement de. Vienne, et vu! les attaches secrètes entre Sofia et Vienne, il! n'est:pas impossible que cette suggestion eût | sa source première à Sofia! En tous cas les! Bulgares comptaient avec la défaite serbe: et ! l'Autriche se tenait prête à intervenir sous prétexte. de:« sauver » la Serbie de l'envahisseur : ture.

C'eùtété:la réalisation du fameux programme : du comte Berchtold'sur la « décentralisation » administrative en Turquie. sous la forme d’une: Macédoine: autonome: protégée par la Bulgarie et d'une Albanie également « autonome ? qui: s'étendrait jusqu'au Vardar et: qui serait con-| fiée à la protection autrichienne.

L'Autricheset la Bulgarie auraient ainsi partagé là péninsule balkanique: La victoire serbe: remportée,sur. les Tures à Koumanovo en 1912, . sauva-non seulement la Serbie, mais aussi la, nation serbo-croate-slovènetout entière et sous Certains rapports’ aussi l'Europe démocratique. |

ans cette victoire, la Serbie yaincue aurait |

: perdu sarforce de’résistance et tous les Balkans Moine tombéscous. la tutelle. austro-gérmanique." La: ligne Berlin-Bagdad serait rétablie et:

JOURNAL POLITIQUE MEBDOMADAIRE Paraissant tous les Lundis D: Lazare MARCOvrTCH, professeur à l'Université de Belgrade

Cetraité n’est pas obligatoire pour la conférence qui à résoudre le problème italo-sudslave sur

sans intérêt de rappeler qu'une seule fois la Serbie refusa, et refusa catégoriquement, d'obéir aux Alliés, et ce fut le cas lorsque l'Italie, qui ‘avait nié à la Serbie la qualité d'allié et qui “avé pris des avances et des gages sur les terres sudslaves, s’adressa aux Alliés au mois de jain 1915 avec la demande d'exiger de la Serbie l'offensive potuc faciliter la tâche de l'armée italienne. On nous. le demandait àun moment où nous traversions une terrible crise intétieure proyoquée par des épidémies. Et les | jtalièns nous en gardent rancune aujourd'hui encore.

exploits de guerre de l'armée serbe et des Jégions volontaires de Serbes, Croates et Slovènes. Ce qui caractérise la politique de la

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40 Centimes Genève, Lundi.23. Décembre 1918.

Suisse....... Ofr. — par an Autres paye. Otr.— » *

ABORREMENT }

Serbie c'est la persévérance dans la lutte contre le germanisme, la loyauté absolue envers les Alliés et un esprit de sacrifice qui fait vraiment honneur à la conscience nationale serbe. La conférence de la paix doit tenir compte de ces éléments de notre problème national. Elle le | fera non seulement par la reconnaissance du | nouveau Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, mais par la protection pleinement légitime de l'intégrité de notre nation aussi | bien à l'est qu'à l’ouest, au sud qu'au nord. Et si la sécurité future de l'Europe doit reposer l'en dehors de la Ligue des nations sur une digue solide contre le germanisme, c'est la barrière serbe qu'il importe de consolider. Mais il faut pour cela que la Serbie, qui n'a rien marchandé, ne fasse l'objet, ni elle ni aucune partie de la nation unique serbo-croateslovène, d'aucun marchandage.

autres bases. Quant à nous, il n'est pas

Nous omettons à dessein de parler des

L. M.

Le problème ifalo-slave

(Lettres slaves) il écrit au sujet de la frontière du côté des Alpes Juliennes : « L'Europe future aura une Italie qui. s’étendra de la Sicile à l'amphithéâtre des Alpes à Trieste». En 1860 (Doveri dell’ Uomo) les confins sont marqués à l'embouchure . de l'Isonzo ; finalement en 1871, le grand apôtre des nationalités dépasse les limites tracées par le droit national en comprenant dans la péninsule Adelsberg, le. Carso “dépendant administrativement, de Lsibach

&

Le problème italo-slave est loin d’être aussi simple que là plupart de nos confrères de la presse alliée et neutre se plait de le cotisidérer.

Pour bien le comprendre, il faudrait l'ebvisager dans son ensemble et sous diflérents rapports: politiques, ethniques et économiques.

Au moment actuel le mouvement irrédemtiste italien se heurte contre le facteur | ethnique: la coexistence dans kr-région | Julienne de deux races dont chacune est en mesure d'invoquer contre, l’autre le | principe des nationalités. À l'avenir comme | par le passé l’irrédentisme adriatique des Italiens se heurtera et peut-être même sera dominé par le facteur économique. « La politique de conquête territoriale vers laquelle le néo-nationalisme voudrait pousser l'Italie, écrivait judicieusement Angelo Vivante, n’est donc pour ce qui regarde l'Adriatique qu'une absurdilé économique. L'annexion d’une très petite zone du rivage oriental (la zone Julienne ne représente qu'un quart de toute la côte orientale): produirait des conséquences pires tant pour la région Julienne que pour l'Etat, italien »..

Laissant de côté pour le moment le facteur ethnique: et économique, nous ne nous occuperons que du côté politique de la question. |

En lialie, la:conception-irrédentiste concernant la région Julienne a toujours man-! qué de clarté et de précision. Dès le début, du mouvement unitaire, les aspirations de: l'Italie vers la frontière adriatique apparaissent. incertaines et contradictoires. Tantôt c'est le critère national que lon. invoque, tantôt c'est le-critère-géographi-r que et militaire. Cette confusion des esprits se manifesta chaque fois lorsqu'il s'agissait d'indiquer les limites de ces aspirations.

En 1848, le manifeste de « l'union. fédé-! rative italienne » prescrit à Charles-Albert, des confins très modestes: « L'Italie, dit le manifeste, ne pourra êlre ni heureuse, ni tranquille, aussi, longtemps qu'elle ne sera.pasarrivéejusqu’au bord de l'Isonzos». Emilio Solitro, dansle «Journal de Trieste». proclamant sa foi unitaire, fait aussi allusion à l'Isonzo. En 1864, une carte officielle! publiée dans le nouveau royaume, fixe les: confins de l’lialie à l’Isonzo. Mazzini, lui aussi, n'est-dans cette question ni affirma-; tif, ni constant. En 1839, il place les confins dans, la direction de Trieste, sans préciser: davantage: (Instruction générale pour les membres du « Giovane Italia»). En 1857

Visconti-Venosta et Lamarmoraindiquent que l’Isonzo est la vraie frontière de l'Italie du côté du Frioul. Le second de ces hommes d’Etat s'explique ainsi à propos des aspirations italiennes (oct. 1865): « Je dois déclarer que sous la dénomination des possessions italiennes, j'entendais seulement outre la Vénitie, la partie vraiment italienne du Tyrol. Je n'ai jamais sangé à Trieste. Cette ville est entourée des populations slaves.

Si par hasard Trieste appartenait à l'Italie, cette possession serait pour notre royaume une source de difficultés et de dangers très graves ». Un seul homme, dit Angelo Vivante, montre une pensée personnelle, Camillo Cavour.

Dans un discours sur la politique étrangère, à la Chambre subalpine (20 oct. 1848), Cavour prouve qu'il a clairement compris le problème austro-hongrois ainsi que le problème italo-slave. Il entrevoit le fond national du mouvement croate guidé par Yélatchitch. Il flétrit l'oppression oligarchique magyare des nationalités slaves. Il préconise la victoire du Slavisme dans la partie orientale de la Monarchie. La race slave, dit-il, énergique, nombreuse, opprimée depuis plusieurs siècles, tend à la complète émancipation. Sa cause est juste et noble, défendue par des troupes hardies et énergiques, elle doit triompher dans un avenir non éloigné». Paroles prophétiqués devenues aujourd'hui réalité ! Comme ministre, Cavour apprécie a sa juste valeur le facteur ethnique, la co-existence* de deux races (italienne-slave). Il est, diraiton, profondément conscient de la force et de l'avenir du slavisme ainsi que de la nécessité d’en faire un ami de l'Italie. Aussi peut-il être considéré à juste titre comme adversaire de l’annexionisme et de l'assimilation forcée. Mais Cavour parait être le seul ayant une compréhension juste du problème. L'irrédentisme du Royaume à cette époque, dit A. Vivante, demeure un état d'âme superficiel, tumultueux, oratoire, d'une pauvre intellectualité, très souvent

1 A: Vivante: L'Inrédentismé Adriatique, p.207. | même pétri d'ignorance: Les terres! irré-

ainsi que le Tyrol jusqu'au-delà de Brunek.