Le drame serbe : octobre 1915 - mars 1916

SALONIQUE LA VILLE PRÉDESTINÉE 5

à eux est déjà dans les plaines de Thrace. » Deux femmes s'étaient levées et au centre de la salle, sur le parquet luisant, dansaient un tango étrange, sur un rythme de quadrille. Au premier rang des consommateurs, deux Turcs coiffés du fez rouge suivaient des yeux le couple; mais ces yeux n’avouaient rien. Mon ami continuait :

— Vous êtes-vous demandé quelles pensées peuvent agiter à cette heure ces notables musulmans de Salonique, devenus sujets grecs depuis la conquête ? Dans quel fatalisme se réfugieront-ils, quand demain débarqueront surleport les troupes franques en marche vers ces Balkans que les Sultans oppressèrent si longtemps? Ne vous fiez pas à leur apparente indifférence. Leurs cœurs de Barbares vous maudissent et quand demain passeront vos soldats, les « hanouns » turques jJetteront aux « roumis » des paroles de maléfices du haut de ces maisons carrées où en plein Salonique les femmes musulmanes mènent encore la vie du harem.