Le Général Moreau (1763-1813)

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bel hôtel ; il y avait fait faire par Jacob, le premier ébéniste de l’époque, un meuble complet d’une rare élégance et d’un goût exquis. À son retour de Hohenlinden, il vécut tantôt à Grosbois, tantôt à l'hôtel de la rue d'Anjou. Dans ce dernier, sa femme donna des bals brillants et fort recherchés, où les royalistes se rencontraient avec les républicains et les mécontents de toute sorte. Lui boudait avec ostentation la personne et le gouvernement du Premier Consul, affectait de se tenir à l'écart, de ne pas aller aux fêtes et aux réceptions de la nouvelle Cour des Tuileries. Au milieu de sa famille et deses nombreux amis, il ne cessait de s'exprimer librement sur le compte du chef de l'Etat, dont il blâmait avec amertume les visées ambitieuses. Ses propos aigres et violents, ses mordantes épigrammes étaient aussitôt répétés. En les rapportant, les ennemis cachés de Bonaparte se plaisaient d'autre part à exalter Moreau devant le maître omnipotent; ils ressentaient une joie maligne à vanter, en présence de César, le génie, la simplicité,