Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE SEIZIÈME. 447

battent en retraite, les troupes tsernogortses ne laissent rien derrière elles. Les femmes de chaque nahïa viendront chaque jour, à tour de rôle, apporter aux combattants les vivres nécessaires, ou s’en: iront recevoir dans les poudrières une charge de munitions qu’elles transporteront ensuite péniblement, de nuit comme de jour, à travers les montagnes, et, si c'est nécessaire, par les voies les plus périlleuses ou les plus détournées, aux corps engagés avec l'ennemi.

La nature même du pays dans laquelle l'armée monténégrine est appelée à opérer — car on ne saurait faire entrer en ligne de compte la possibilité pour elle de porter une guerre sérieuse hors de ses frontières — rendait inutile la création d'une cavalerie quelconque. Aux chefs seuls est réservée la possession et l'usage en campagne d'un cheval, dont l'entretien, des plus dispendieux et des plus difficiles, ne saurait être à la portée d’un grand nombre’. Nous avons vu réuni, en 1871, un escadron composé de tout ce qu’on avait pu recruter de cavaliers dans la principauté. La variété des montures, la singularité des harnachements, l'indépendance absolue des allures, la bigarrure des costumes et l'étrangeté de l'armement en faisaient le plus original assemblage qu'on pût imaginer, et ne donnaient en aucune façon l'idée d'une cavaIcrie véritablement organisée pour une action collective.

La troupe monténégrine ne comprend donc en réalité que de l'infanterie plus ou moins régulière et un peu

! Sur certains points du Monténégro, tels que Tsettinjé, par exemple, l'entretien d'un cheval entraine une dépense annuelle de 100 thalari (500 francs), somme exorbitante, même pour les plus grands personnages du pays, dont nous avons énuméré les modestes ressources. La Tsernagore proprement dite manque, en effet, presque absolument de fourrage, tandis que celui-ci abonde dans le pays des Berda.