Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

108 LE PACTE DE FAMINE

Vincent, Peyrard, Ruinaud, Mafois et autres, que Rinville avait dénoncés. Son enlèvement fut fait si rapidement et si secrètement, que ce ne fut que dix ans après son arrestation, qu'une de ses parentes apprit ce qu'il était devenu. S'il se répand en injures furieuses contre les monopoleurs et ceux qui l'ont fait arrêter, sur Mutel et ses pareils qu’il appelle vo/eurs-enquéteurscaptureurs-conseillers-rapporteurs , il ne se plaint ni du gouverneur, ni des officiers de la Bastille qui l'ont très bien traité; d'après lui, le comte de Jumilhac enrageait d'être contraint de se prêter à toutes les méchancetés du démon sartinien ; il venait le voir souvent, l’autorisait à se promener dans la cour et-sur la plate-forme ; il lui prétait des livres, lui procurait du papier. Le gouverneur de la Bastille et ses adjudants le virent partir avec regret, car ils l'employaient à faire des mémoires relatifs à leurs intérêts. « Un jour, dit-il, le comte de Jumilhac, m'ayant entretenu d’un prince du haut Palatinat du Rhin, qu'il avoit eu pour prisonnier durant deux ans, par ordre de son père, électeur, qui en avoit écrit à Louis XV, me demanda si, en considération des bons soins qu'il avoit eus pour ce jeune prince, électeur aujourd'hui, par la mort de son père, il ne pourroit pas lui demander, quoique Francois, le cordon de l’Aïgle d'or de son Palatinat. — Oui, lui dis-je, et je m'en vais faire surle-champ les lettres qu'il vous faut. Dites-moi seulement le nom de sa maîtresse la plus intime qui venoit le voir journellement à la Bastille, et qui continue de demeurer à la cour de ce prince, et sous quinze jours, vous recevrez peul-être le cordon.» Il arriva, en effet, avant ta quinzaine. Alors, il fallut écrire « au vieux comte de Saint-Florentin et jeune due de la Vrillière, pour avoir la permission de porter ce cordon en France, où personne n'étoit muni de cet ordre. Le ministre des lettres de cachet donna la permission, et le comte de Jumilhac en a été décoré jusqu'à sa mort ?. »

Pour ie remercier de ces services, le wouverneur lui envoyait de temps en temps de sa cave « un panier de toutes les sortes de vins, pour en boire un coup à la fin de ses repas. » Il avait tout ce qu'il demandait : café, sucre, miel, chocolat, thé, eau-de-vie, bière, rafraîchissements, liqueurs, bois, chandelles à discrétion, fruits des saisons. Il se trouvait, en somme, si bien soigné à la Bastille, qu'il prétend que, « si tous les autres prisonniers eussent ète aussi bien

4. Le Prisonnier d'Etat, p. 26. 2. Le Prisonnier d'État, p. 33.