Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE I 109 traitées que lui, ils n’eussent eu lieu de se plaindre que de la perte de leur liberte. »

Pour occuper ses loisirs, il avait composé : l'Araîgnée de cour, ou le résultat des résultats. Ce travail n’était pas achevée, lorsque Sartine le fit transferer au donjon de Vincennes, toujours avec de fausses lettres de cachet. Le comte de Jumilhac fut tellement afflisé de son départ, qu'il quitta son château pour ne pas assister à la séparation. Le Prévôt n'est pas bien fixe sur la date de sa translation ; tantôt il prétend qu'elle eut lieu le 6 octobre 1769 (p. 13 et 30), tantôt le 13 (p. 21), plus loin c’est le 14 (p. 36).

Avant de quitter ce premier enfer — où il poussait des primeurs, arrosées de vins fins — il eut encore à subir les tortures de la « police sartinienne. » Voyons ces tortures. Afin de pouvoir s'emparer de ses papiers et pour faire donner au gouverneur la décharge de sa personne, sans provoquer de résistance de sa part, on lui avait mensongèrement annoncé sa mise en liberté. Mais Le Prévôt s'étant aperçu qu'on voulait le tromper, en donnant, le 13 octobre, la décharge de sa personne à M. de Jumilhac, il inscrivit sur le registre vert des sorties, une protestation contre les avanies qui lui étaient faites. Lié et garroité, on le transporte à Vincennes. Les tortures consistèrent donc en ceci, que Le Prévôt, ne voulant pas quitter cet enfer et craignant d'entrer dans un autre où il n'aurait plus de liqueurs à discrétion, fit résistance, et qu’on fut forcé de le contraindre à quitter la Bastille.

Le récit de son séjour dans ce second enfer n’est pas moins insensé. Il est horriblement maltraité : à plusieurs reprises, il se précente aux lecteurs comme « périssant, mourant, agonisant tous les jours d'inanition et de faim cruelle, dans le supplice et l'horreur des ténèbres, des chaînes, de la nudité et de tous les maux réunis. » En quinze ans de séjour dans cette prison, il fut mis douze fois au cachot et y resta huit ans, six mois et vinot jours « les chaînes aux pieds et aux mains le plus souvent, mais toujours nu, toujours réduit à la famine, privé de toutes choses. » Il nous apprend luimême les causes de sa première mise au cachot : c'est à la suite d’une joyeuse escapade. En 1770, il étoit loge dans une chambre au troisième, sur la cour royale du château. Monté debout sur une chaise, il « aperçoit quatre ou cinq cents ecclésiastiques du séminaire de Saint-Sulpice qui viennent regarder les fossés de l'enceinte du donjon : » il descelle une barre, entre dans l’embrasure de sa fenêtre et leur adresse, en français et en latin, une