Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma, str. 109

LES DÉBUTS DE LA RÉVOLUTION 97

manière suivante : « Nous inventâmes une cérémonie pompeuse intitulée : Le Couronnement de Joas. Premiers rôles tragiques, premiers rôles comiques, financiers, paysans, soubrettes et valets, Florise et Lisette, Ergaste et Scapin, rois et confidents, chanteurs, dramatistes, choristes, danseurs, et jusqu’à la statue du Festin de Pierre, et jusqu’au fantôme de Sémiramis, tous enfin, nous étions déguisés en lévites er partagés de manière qu’un Comédien-Français donnait la main à un Comédien-Italien : Molé à Clairval, Contat à M"*° Dugazon, Dazincourt à Trial. Nous fûmes applaudis à outrance; celui-ci pour Zémire et Asor, celle-là pour le Diable à quatre, cet autre pour le Séducteur, Contat pour l’hôtesse des Deux Pages, Dazincourt à cause de Figaro, et Trial pour avoir peur si naïvement de l'ours des Deux Chasseurs et la Laitière, le tout dans le temple du Seigneur et sous les yeux d'Israël et de son pontife.

« Cette mascarade impertinente en tout autre temps, cette burlesque promenade unie à une pompe qui ne devait être que tragique et religieuse; ces figures accoutumées à exciter le rire, paraissant pour conclure une pièce sublime où il y avait mort de reine; enfin la procession du Malade imaginaire, jointe à l’héroïque prise d'armes des enfants de Lévi, tout cela amusa fort le parterre et le grossit fort aussi; bref, Athalie aïnsi faite, excita de grands transports, des battements de mains redoublés et des éclats de rire inextinguibles : en vérité! nous trichions en touchant l’argent de pareils spectateurs, ils étaient plus curieux à voir que le spectacle.

« Ainsi toutes nos belles traditions s’effaçaient devant la tyrannie du besoin (1). »

(1) Quoi qu'il en soit des remarques de Fleury, le succès, on le voit, ne fut pas mince. Après avoir paru deux fois de la

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