Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma, str. 131
LA TERREUR 119
dépeint l’état de son âme à sa mère, M®° de SaintClair : Je sens de jour en jour Une mélancolie, une langueur secrète, Dont l'attrait inconnu me charme et m'inquiète. Tautôt là, dans mon sein, c'est un abattement Qui m'accable: tantôt c'est un enchantement. Mes yeux sont éblouis de toute la nature; L'air me semble plus doux, la lumière plus pure. Je ne sais quel genie entraine alors mes pas : Je poursuis un objet que je ne connais pas. Lasse enfin de chercher une vaine chimère, Je me dis : « Retournons dans les bras de ma mère.» Je reviens en rêvant; mes r:gards inquiets Vous rencontrent... ce n'est pas vous que je cherchais. Eh! mais qui donc?...le jour, je comprime mes larmes : Mais la nuit vient ; alors que j'éprouve de charmes A les répandre! Non jamuis on n’a goûté, Avec tant d’'amertume, autant de volupté. (1)...
Dans une autre scène, entre quatre femmes et Germeuil, jeune officier de dix-huit ans :
.…… Je sais que chez vous la sensibilité Souvent passe de l'une à l'autre extrémité :
(1) Voici, au surplus, quels étaient, à l'égard de ses modèles, quand Demoustier en traça les portraits, les sentiments qui l'inspiraient : « 11 Y a dans mon adoration pour les femmes plus que l'idolât'ie : leur idée seule produit sur mon cœur attristé l'impression que, par un temps sombre, produit l’image d'un beau jour; leur regard me pénètre; leur sourire m'enivre; leur voix me fait tressaillir : mon âme errante circule autour de leurs charmes, et se perd avec volupté dans les plis de leurs vêtements et les ondes de leur chevelure. Leurs yeux parlent-ils? ma réponse les à prévenus; sont-ils muets? je leur prète un langage, pour ie plaisir d’v répondre. Je ne sais quel charme secret me fait pressentir la présence d’une femme aimable ! que cette onde est tiède et himpide ! une femme s'y est baignée: que de fleurs sur ce gazon! une femme s'y est enlormie; que cet ombrage est mélancolique ! elle y rêve sans doute... Entendez-vous ces accents mélodieux? C’est Philomèéle... Non!c’est une femme : la voici; je l'avais devinée. »