Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

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dans laquelle l’art dramatique était plongé, surtout vers les derniers mois de la Terreur.

C’est lui qui, à cette époque sinistre, écrivait cette lettre si expressive à un de ses amis :

« Que parles-tu, Vallier, de m'occuper à faire des tragédies? La tragédie court les rues; si je mets les pieds dehors de chez moi j'ai du sang jusqu’à la cheville. J’ai beau secouer en rentrant la poussière de mes souliers, je me dis, comme Macbeth : « Ce sang ne s’effacera pas». Adieu donc la tragédie, J'ai vu trop d’Atrées en sabots pour oser jamais en mettre sur la scène. C’est un rude drame que celui où le peuple joue le tyran. Mon ami, ce drame-là ne peut se dénouer qu'aux enfers. Crois-moi, Vallier, je donnerais la moitié de ce qui me reste à vivre pour passer l’autre dans quelque coin du monde où la liberté ne fût point une furie sanglante. »

Et cependant, une fois la Terreur passée, Ducis eut, comme toute la société, un réveil, une sorte de rafraîchissement, et sa verve dramatique se ranimant, produisit une pièce qui fut un des événements littéraires de 1795 : Abufar ou la Famille Arabe, tragédie en quatre actes. « Au sortir de la tyrannie de Robespierre », dit Sainte-Beuve, « on se plaisait à ces images de pasteurs, de chameaux du désert, à ces peintures patriarcales embellies ».

Tire

A leur sortie de prison, les Comédiens-Français trouvèrent leur salle du faubourg Saint-Germain occupée par une troupe jouant l’opéra-comique. Mais, à la suite de négociations établissant une sorte