Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

314 LE THÉATRE-FRANÇAIS PENDANT LA RÉVOLUTION

fin, moins profond que son émule, mais d’une carrure et d’une brusquerie qui formaient le financier le plus parfait. À côté de ces deux acteurs si justement renommés, paraissaient, avec non moins d’avantages, Michot dont le naturel et la franchise furent inimitables ; Baptiste cadet, le niais le plus spirituel qui jamais ait houssé le boudoir de Thalie, et membre de cette honorable famille des Baptiste, qui, depuis près d’un siècle, a fourni tant de talents divers à la scène française.

« Cette réunion si riche et si complète des interprètes de Thalie était embellie de celle des auteurs et des gens de lettres possédant leurs entrées, et dont la présence, les saillies spirituelles et parfois mordantes, formaient le complément de cet admirable foyer si renommé dans Paris, où les grands du jour et les artistes les plus célèbres se faisaient introduire pour avoir une juste idée de ce cliquetis de bons mots, de ce ton social où lélégance des manières, les bouffées d'esprit et la grâce de la malice cffraient au charme une perfection qu'on ne pouvait rencontrer autre part. Là siégeait, et comme doyen et comme ancien ami de Voltaire, le vieux marquis de Ximénès, auteur de plusieurs tragédies. Doué d’une mémoire imperturbable, lié jadis avec tous les hommes célèbres du xvrrr° siècle, il avait, pour ceux du x1x°, un dédain qu’il exhalait parfois avec une verve étonnante pour un octogénaire……. Auprès de ce malin vieillard, venait s'asseoir André Murville, auteur d’Abdélazis et Zuleima, littérateur pédant et gourmé, dont la vanité chatouilleuse était souvent excitée par le satirique Ximénès. Non loin de là, siégeait modestement Collin d'Harleville, possédant la prétention la plus sûre et la plus délicate : celle de n’en avoir aucune. Venaient ensuite ses deux amis Andrieux et Picard, lun charmant conteur, critique