Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

APPENDICE 403

avec la préoccupation constante, dèsqu'ils s’abordent, de ne pas dire un seul mot de ce qu’ils pensent.

Et, sur tous les murs, des affiches de ventes, à toutes les portes, des mobiliers à l’encan. Les Tuileries plantées de pommes de terre; les Champs-Elysées où l’on retrouve la guillotine jusque dans la baraque de Polichinelle, déserts le jour, et le soir peuplés de vagabonds; le Palais-Royal encombré de filles deminues, dont quelques-unes pourraient encore jouer à la poupée, et partout des mendiants, des « enragés » déguisés engalériens, avec leurs cheveux gras, leurs bonnets rouges, leurs carmagnoles et leurs sourdins. Dès la tombée du jour, les boutiques fermées, les places vides; pas une voiture, les théâtres seuls peuplés de spectateurs inquiets, cherchant à s’étourdir sur les soucis du lendemain ; les rues silencieuses et sombres; à chaque pas une patrouille exigeant la carte civique, et pour tout bruit, la voix des crieurs hurlant la liste des gagnants du jour à la loterie de Sainte-Guillotine, — car tous les jours, à quatre heures, six, sept charrettes suivent les quais, menant à la boucherie hommes, femmes, vieillards, jeunes filles, enfants : avant hier encore, un de quinze ans; et autour des victimes, braillent, chantent et dansent des femmes ignobles et des insulteurs à quarante sous par jour, la claque de la guillotine! Et c’est Paris cela, notre beau, notre glorieux Paris, le Paris du 14 Juillet! le Paris de la Fédération !.…

LABUSSIÈRE Ah! mon cher Martial, il est loin le jour où, si joyeusement nous roulions la brouette au Champ-deMars ! Quel enthousiasme, alors, de tout un peuple affranchi de ses lisières ! Et les beaux rêves d'avenir! plus d’arbitraire ni de privilèges! Plus de grands humiliant les petits, de riches oppresseurs du pauvre!

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DS