Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma, str. 93
LES DÉBUTS DE LA RÉVOLUTION 81
drame en quatre actes. Un moine avide, libertin et vindicatif, supérieur d’un couvent de dominicains, le père Laurent; une femme crédule, fanatique ; un mari faible, — les époux de Saint-Alban ; une jeune fille sacrifiée, — Eugénie; son amant, — Dorval, que le désespoir jette dans les bras de ce moine indigne, qu’il croit son ami et qui est son rival ; enfin M. de Francheville, frère de M de Saint-Alban; les R. P. Louis et Ambroise, tels sont les personnages principaux.
Les interprètes étaient : Fleury, Saint-Fal, Dazincourt, Naudet et Mi Contat. Des scènes dramatiques violentes, des tableaux poussés au noir, avec une entente assez habile des effets scéniques, enfin des situations d’un intérêt dramatique réellement saisissant, produisirent une profonde émotion, encore accrue par un incident inattendu, qui éclata à la première représentation et que voici :
Le père Louis croit devoir révéler à Dorval les odieux complots et « tous les ressorts de la scélératesse du supérieur pour séduire le cœur d’Eugénie ». Désabusé et indigné, Dorval accable des plus sanglants reproches le père Laurent, qui donne, alors, à quatre religieux l’ordre de plonger celui-ci dans un cachot, d’où, en trouant le mur, il parvient à se réunir à son amante, Eugénie, « prête d'expirer de désespoir dans un des cachots monastiques que l’on nomme Vade in pace, d'un couvent de religieuses, séparé par un mur mitoyen de celui des dominicains. »
Mais, au moment où l’ordre est donné par le Père Laurent d'entraîner Dorval qui se débat, lutte contre les religieux et pousse des cris inarticulés, on entendit un des spectateurs de l'orchestre s’écrier, d'un ton furieux : « Exterminez ce coquin-là! »
Tous les regards se tournèrent alors vers cet homme, dont les yeux étaient hagards et les traits décompo-
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