Les derniers jours d'André Chénier

284 LES DERNIERS JOURS D'ANDRÉ CHÉNIER

Tel fut le point de départ de cette vie, si merveilleusement féconde en sa brièveté, et dont nous allons étudier la fin tragique.

L'arrestation d'André Chénier, le 17 ventôse an II (7 mars 1704), par le comité révolutionnaire de Passy, serait tout simplement une des plus sottes aventures du régime terroriste, si, en définitive, l'excès de zèle de ce comité n'avait coûté la vie à l’un de nos plus grands poètes, et volé à notre pays, en tuant cette jeune espérance, une de nos plus charmantes gloires. Il y a des moments, dans l’histoire humaine, où il suffit d'un Guénot, d'un Duchesne, d’un Cramoisin et d'un Boucherat pour faire tomberlatête d’un André Chénier.

Donc, le 17 ventôse an II (7 mars 1704), les citoyens Guénot, Duchesne, Cramoïsin et Boucherat, délégués et plus ou moins espions du comité de sûreté générale et du comité de surveillance de Passy, se présentent chez le marquis de Pastoret, afin d'arrêter la marquise. Ils ne la trouvent point. Mais ils rencontrent, en compagnie du marquis et de M. Piscatory, son beau-frère, un jeune homme inconnu, qu’ils interrogent aussitôt. C'est André Chénier. Son nom ne leur dit rien du tout. Mais ses réponses, qu'ils transcrivent de travers sur un procès-verbal qui plairait aux ennemis personnels de l'orthographe, éveillent leurs soupçons. Il a beau leur répondre qu'il est un bon citoyen, régulièrement inscrit sur les listes électorales, et domicilié chez son père, M. Louis Chénier, ancien chargé d'affaires de France au Maroc, les délégués ne veulent rien entendre. Les délégués prennent des airs sévères, et ce serait à mourir de rire, si ce n'était bête à pleurer. Guénot, Duchesne, Cramoisin et Boucherat verbalisent éperdument. Sommé de répondre sur ses « moyens de subsister », André ne peut tout de même pas leur dire qu'il est poète. Les comités de ce genre n'aiment pas beaucoup la littérature, surtout la littéra-