Les états généraux en France
LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANCE. 8171
Qu’attendre, au point de vue d'institutions à fonder, d’une assemblée qué cinquante années séparent de celle qui la précède; d’une réunion d'hommes, absolument étrangers les uns aux autres, sans passé parlementaire, sans règlement, sans traditions ; d'hommes que le hasard de l'élection rassemble pour quelques jours ou quelques semaines, et dont la génération aura disparu avant qu’il plaise à la royauté de prendre conseil d’une autre génération d’inconnus ? A propos du tiers état, M. Picot fait une remarque applicable, plus ou moins, aux députés des trois ordres. IL trouve injuste que, de délégués venus fortuilement de vingt provinces diflérentes, et sans rapports entre eux jusque-là, on attende à la fois l'énergie et l'esprit de suite dont le parlement lui-même n’a été capable qu'après des siècles d'expérience et de lutte. « Les institutions humaines, dit-il, n’ont que rarement ces éclairs : cette solidarité soudaine dans la conduite qui fait les grandes assemblées et prépare les triomphes politiques n’était pas possible en un temps où les esprits n'avaient entre eux aucune de ces communications intellectuelles que fournit à la vie publique l’activité des sociétés modernes. » . Mais la rareté des sessions n’est ni la seule ni même la principale cause à laquelle il faille atiribuer la faiblesse et le manque d’autorité des États Généraux. Ge qui leur fait surtout défaut, tous les auteurs en tombent d'accord, c’est la périodicité, c’est la convocation à époques fixes, à époques qui, fussent-elles éloignées, soient régulières et obligatoires pour la couronne. À ce compte seulement, les États Généraux seraient devenus une institution, et ce caractère leur manqua toujours, même dans les temps où la fréquence de leurs sessions fit de la convocation des députés un usage et une habitude. Hors deux cas, ilest admis, même au quaforzième et au quinzième siècles, qu’on peut gouverner la France sans le concours des États Généraux. La convocation de ceux-ci n’est de droit que s’il faut établir de nouvelles taxes, lever de nouveaux impôts, voter de nouveaux subsides ; ou bien si un roi mineur est appelé à occuper le trône, devenu vacant. En dehors de ces deux circonstances, si le roi assemble les députés des trois ordres, c’est de sa part un acte bénévole, c’est seulement pour prendre leur avis, ce n’est pas toujours pour le suivre, et de là vient qu’on a souvent taxé les États Généraux d’impuissance. Nous verrons tout à l'heure en quoi ce mot est exagéré. Ce qui est malheureusement vrai, c’est que les Etats manquèrent souvent d'autorité, parce que, répétons-le, ils ne purent jamais obtenir qu’on fit d'eux une institution. À celte cause de faiblesse, ajoutons que, ni le mode d'élection, ni le nombre, ni les droits des députés ne furent jamais nettement déterminés et définis. Ou plutôt, à travers les obscurités de l’histoire sur ces divers points, il est