Les états généraux en France
872 LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANCE,
clair que les députés n'ont pas de droits proprement dits, sauf en ce qui regarde le vote des subsides. Encore arrive-t-il que, sans jamais contester le droit des États à cet égard, la couronne se passe assez souvent de leur concours, et, par moyens délournés, se procure l'argent dont elle a besoin. Pour le reste, les États Généraux se bornent à faire des remontrances ; ils sont un conseil, une consulte; mais ils ne parviennent jamais à se faire admettre comme corps souverain.
Souverains seulement en ce sens, que celui qui vote l'impôt fait la loi, les députés des trois ordres attendent quelquefois plusieurs années et sont obligés de revenir à la charge avant qu’une ordonnance royale tienne compte de leurs doléances ; et même Louis XIV parait, et l'usage de convoquer les représentants du pays prend fin avant que ceux-ci aient réussi à conquérir ce qu'ils ont le plus souvent réclamé : la périodicité de leurs sessions. Ceci est la preuve la plus convaincante qu’envisagés dans leur puissance, les États Généraux ont été quelquefois surfaits. M. Picot se plait à noter que, cependant, ni Commines sous Louis XI, ni Sully sous Henry IV, ni Fénelon sous Louis XIV lui-même, n’ont méconnu le rôle et l’autorité des États. Tous trois, dit-il, sont d’accord pour vouloir le vote libre de l'impôt; tous trois démandent le contrôle des assemblées. Ceci est vrai, et de curieuses citations empruntées au conseiller, au surintendant et au prélat, en donnent la preuve. M. Picot a raison de dire que « celle persistance des opinions à toutes les époques nous permet d'affirmer que l’instinet du gouvernement libre est profondément enraciné dans le cœur des Français; » que ceux-ci ne poursuivent pas seulement, comme on leur reproche quelquefois de le faire, une vaine imitation de l’Angleterre, et qu'ils ont, eux aussi, conçu plus ou moins nettement ce type du pouvoir pondéré dont nos vieilles annales gardent la trace.
Mais il n’est pas hors de propos d'ajouter ici quelques réflexions qui, ayant trait précisément à Louis XI, à Henri IV et à Louis XIV, indiquent bien les difficultés que durent éprouver les États Généraux
à accomplir la tâche, même restreinte et encore inachevée, à laquelle ils ont prêté leur concours, et cela à raison des entraves que leur suscita la royauté. Les règnes sous lesquels vécurent Commines, Sully et Fénelon, sont de ceux qui, par leurs dissemblances non moins que par leurs rapports à certains égards, donnent à notre histoire quelques-uns de ses plus grands traits et déterminent le mieux son caractère. Jeter un coup d'œil sur ces trois règnes est peut-être un des moyens de nous rendre justes envers les Étais Généraux, et de nous porter à tenir compte de ce qu'ils firent, car c'en est un de nous révéler à nous-mêmes ce qu’ils ne purent faire.