Les états généraux en France

8E8 © LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANCE.

comme lui, c’étaient des parvenus. Mêlant volontiers — on n'y comprendrait rien si la haine du passé n’expliquait tout — les luttes de la Révolution avec les batailles de l'Empire, limagination populaire ne fit des unes et des autres qu’une grande épopée; les audaces du Jeu de paume lui apparurent comme une sorte d’aurore du soleil d'Austerlitz, et le 18 brumaire lui-même ne fut pas seulement absous, il fut acclamé, comme si, en chassant ce jour-là, au profit de la dictature militaire, les représentants du peuple, le Premier consul n’avait fait autre chose que continuer à venger le tiers état de la triple oppression de la royauté, du clergé et de la noblesse.

Ce fut ainsi que, sans l'écrire encore,ion préparait l'histoire du dix-neuvième siècle. Cette histoire n’est point faite, et déjà elle est à refaire. Celle des siècles précédents aussi. IL est temps de substituer la réalité à la fiction et ce qui est à ce qu’on raconte. Peut-être convient-il de profiter du moment où la gloire nous manque, pour, sans dédaigner celle-ci, nous habituer à reconnaître que la gloire * elle-même n’est pas la liberté, et qu’elle n’en tient pas lieu. L’heure est également venue, si nous avons souci d’être libres, de consentir à franchir enfin et notre siècle et nos frontières : il faut cesser de croire que nous ne sommes redevables de rien ni aux siècles écoulés ni à autrui. Par orgueil national, nous nous donnons volontiers pour les maîtres du monde, pour les précepieurs du genre humain, et cela même dans les temps douloureux où nous aurions, ce semble, plus à apprendre des autres qu’à leur enseigner. Par orgueil moderne, nous nous laissons aller à croire que le présent ne doit rien au passé et que tout progrès vient de nous. L'orgueil perd les peuples comme il perd les hommes : l’exacte connaissance de soimême est de première nécessité pour les uns et aussi pour les autres : elle les conduit à la sagesse en les faisant passer par un certain degré d’humilité nécessaire même à ceux qui, vivant hors du cloître, se trouvent mêlés aux affaires de leur pays et de leur temps.

Voilà plus de cinquante ans que, dans les cours d’histoire auxquels il doit en partie son illustration, M. Guizot essayait de nous prémunir contre deux erreurs courantes. La manie des uns était alors de décrier tout ce qu'ont fait nos pères et de ne vouloir admettre comme venant d’eux aucun des emprunts .que cependant nous leur avons faits. La prétention des autres, épris pour le passé d’un amour stérile, d’un culte idolâtre, était de ramener la France à son berceau. Mais on ne remonte point le cours des âges, et il n’y a pas moins de folie à se jeter dans cette entreprise, que de présomption à se prendre soi-même pour le centre, pour le pivot, ou pour le but de l'humanité. L’école historique, qui date en France des premières années de l'établissement de la monarchie constitutionnelle, m’a pas