Les états généraux en France

LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANCE. 859

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réussi encore à porter la lumière dans les masses. Chez elles, les préjugés ne baissent pas, et même on peut dire qu'ils montent, remorqués par l’orgueil humain : celui-ci traîne à sa suite d’odieuses convoilises et d’insaliables appétits. Cependant, au point de vue des études historiques, une réforme s’est accomplie, depuis 1820, dans le monde des hommes d’étude, dans celui des intelligences supérieures, À mesure que le passé perdait là ses adorateurs aveugles, il perdait aussi ses détracteurs systématiques. En revanche, 1l trouvait des juges, et, tandis que, dans les bas-fonds, les préjugés et les haines croissent toujours, il semble que, dans les hautes sphères, ce travail de justice se poursuit.

Ce n’est pas seulement le maître le plus illustre de la Sorbonne moderne qui vient de nous admettre au foyer où sa verte vieillesse raconte à ses petits-enfants une Histoire de France enfin sérieuse et véridique ; Augustin Thierry et Tocqueville ont, eux aussi, par leurs entreprises inachevées, tracé ou élargi des voies où marcheront leurs successeurs. L’élan est donné, la brèche est ouverte : déjà la lumière y pénètre, et l’on peut compter que, sous l'écume des. passions qui fermentent, la vérité fait son chemin. Ceux d’entre nous auxquels le loisir manque pour aller fouiller dans de poudreuses archives, peuvent dès maintenant, sans trop de labeur, apprendre ce que furent nos pères. Il dépend de nous de retrouver leurs traits et aussi leur héritage dans des travaux de date récente, parmi lesquels il en est un que les suffrages les plus autorisés recommandent d'une façon toute particulière à l’attention des lecteurs du Correspondant. En 1866, l’Académie des sciences morales et politiques mit au concours une Étude sur les États Généraux en France, « considérés au point de vue de leur influence positive sur le gouvernement. » Cette étude devait embrasser toute la période de notre histoire qui s’étend du roi Jean à Louis XII, de 1355 à 1614, c’est-à-dire celle durant laquelle, sans être précisément une institution, les États Généraux furent chez nous une coutume que, sauf intervalles, la royauté fit mine d’accepter, alors même qu’elle se bornait à la subir.

À ce concours de 1866, l'un des plus brillants parmi ceux dont l’Académie garde le souvenir, quatre mémoires, tous dignes d’éloges, furent présentés. L'un d’entre eux, celui de M. Picot, juge au tribunal de la Seine, n’a pas seulement obtenu le premier prix; il a mérité que M. Guizot, faisant le rapport au nom de la section d'histoire, déclarât que c’est « l'un des travaux les plus considérables qui aient été entrepris sur l’histoire de France, et le plus grand travail qui ait été fait sur les États Généraux. » Le rapporteur ajoute : « La solidité du fond répond à la fermeté du langage, et la justesse des