Les états généraux en France
892 LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANCE.
quand nous n’allons pas jusqu’à déclarer la guerre à la liberté des autres, telle est la cause principale qui fait que nous avortons toujours. À une époque de notre histoire, à une seule, il a pu sembler que nous allions nous corriger du défaut qui nous porte à nous isoler les uns des autres, à agir toujours séparément, à n’écouter en politique d'autre mot d’ordre que celui de notre parti. C’est vers la fin du quinzième siècle et au commencement du seizième, que ce phénomène se produit. Il se fit alors entre les classes une sorte de trêve, un véritable apaisement. Alors, nous dit M. Picot, « la théorie du gouvernement tempéré par les lois et par l’expression régulière de la volonté nationale, est défendue par les gentilshommes, qui se réunissent chaque jour aux gens du tiers pour délibérer en commun et rédiger d'accord leurs cahiers de doléances.… Heureuse période, pendant laquelle un pouvoir habile aurait pu faire en France, avec le concours de tous les ordres, un gouvernement mixte, tel que la nation le souhaitait. » :
Mais ceci ne fut pas de longue durée. « Entre la rébellion et la servitude, on ne vit pas se former une classe supérieure, indépendante et fidèle, qui aurait sans cesse rappelé au roi les vieilles formes du royaume et qui aurait assuré sans secousse les transformations de l’avenir. Pour le malheur de notre histoire, les seigneurs, en cessant de dominer, devinrent courtisans. Les antichambres et les ruelles recueilürent les habitants des châteaux forts rasés par Richelieu. La noblesse, qui n'avait jamais joué, comme ordre, qu'un rôle secondaire, abdiqua de plus en plus, sans comprendre qu'elle rendait inévitable l’avénement plus ou moins prochain des hommes auxquels elle abandonnait en quelque sorte le privilége de l’activité intellectuelle et socialet. »
Il y aurait tout un livre à faire sur laititude différente qu'ont prise, dans l’histoire, l'aristocratie anglaise et laristocratie française; sur l'influence diverse que les hautes classes ont exercée dans ces deux pays. Ce livre n’est point fait, mais on en trouve partout les éléments*, qui mettent en évidence la cause, non pas unique, mais principale, à laquelle, en fait de liberté politique, l'Angleterre doit ses succès, à laquelle aussi nous devons nos revers.
Ecrivant, en 1840, à un membre de la chambre des Communes, M. le comte de Carné faisait observer que l'esprit nobiliaire n’a rien de commun avec l'esprit aristocratique dans le sens véritable du mot,
4 M. Picot : Histoire des États Généraux. ? Particulièrement dans l'Histowre des origines du gouvernement représentatif, de M. Guizot.