Les états généraux en France

LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANCE. 895

et il ajoutait : « Vous le savez, monsieur, notre noblesse, toujours imprévoyante et légère autant que la vôtre le fut peu, ne songea jamais, même aux jours de sa puissance, à constituer la société et le gouvernement au profit de son influence réelle : ïl lui suffit que lune et l’autre le fassent au profit de sa vanité’. »

De son côté, M. Rathery, dans son Histoire des Etats Généraux, fait le rapprochement suivant entre l'impuissance à laquelle se sont condamnées chez nous les hautes classes, et l'influence prépondérante que, de longue date, a su prendre l'aristocratie anglaise.

En France, dit-il, Paction successive et tour à tour prédominante de l'aristocratie féodale et de l'autorité royale, « ne se réunit jamais pour compléter et consolider leurs conquêtes ; elle est pour cela même faible et provisoire. Le peuple se perd par ses violences; la noblesse par ses divisions : aux grands manque l'esprit d'ensemble ; au peuple l’esprit de suite; à tous deux l’amour des libertés générales. Les barons se préoccupent exclusivement de leurs intérêts féodeaux, les communes de leur rôle financier ; et si quelques garanties plus larges sortent de leurs stipulations respectives, l’indifférence de la nation en laisse périr les monuments, prescrire les traditions. Dès les États de 1356, on voit la noblesse se séparer du liers état et se relirer en masse au lieu de les combattre. Plus tard, elle reparaît avec toutes ses prétentions, se pose en ennemie de la loi commune, de la magistrature qui la proclamait, et jusqu’en 1614, à la veille de son abaissement par Richelieu, conserve vis-à-vis du tiers état grandi, éclairé, loute sa morgue, tous ses dédains d’autrefois. « L’aristocratie anglaise, au contraire, se montre généralement fidèle au principe qui, dès l’origine, avait rapproché les barons et les villes dans l'intérêt des libertés communes. Au lieu de s’isoler comme la nôtre, elle s’unit aux autres classes par des liens de toute espèce... Tandis que, chez nous, les petits gentilshommes de province mènent une existence équivoque, dédaignée de la haute noblesse et raillés par la bourgeoisie, les chevaliers des comtés modifient profondément la représentation et par suite la société anglaise. Outre l'influence de la gentry, deux causes concoururent encore à entourer la noblesse en Angleterre d’une considération et d’une popularité qu’elle n’acquit jamais chez nous au même degré. Elle ne cherche jamais à s'affranchir des charges communes? ; ensuite, la

1 Du Gouvernement représentatif en France et en Angleterre.

? « Jose affirmer, dit M. de Tocqueville, que, du jour où la nation, fatiguée des longs désordres qui avaient accompagné la captivité du roi Jean et la démence de Charles VI, permit aux rois d'établir un impôt général sans son concours, ef où la noblesse eut la lâcheté de laisser taxer le tiers état, pourvu qu'on l'exceptät elle-