Les états généraux en France
LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANCE. 895
quelques-uns, sauf à rechercher les moyens de ne l’attribuer qu'aux plus dignes. Laissons ce côté de la question. Notre intention n'est pas de traiter ici du suffrage universel, ni d’en entreprendre l’apologie ou la critique. Ce qu'on peut affirmer, ce qui est certain, ce qui est maintenant démontré par l'expérience, c’est que, droit ou fonetion, l'électorat est une folie si tout le monde y participe au même titre et au même degré. S'il nous faut, comme on le prétend, vivre avec le suffrage universel, tâchons du moins de n’en pas mourir, et réglons-le, si nous voulons qu’il se conserve. Pour cela, ne refusons à aucun citoyen le droit de peser d’un certain poids dans les destinées de son pays, mais commençons par déterminer les conditions auxquelles on est citoyen. El puis, ne souffrons pas qu'au sortir de l’école, à vingt et un ans, on pèse du même poids qu'à quarante, âge auquel l'expérience de la vie est acquise ; cherchons aussi une COMbinaison grâce à laquelle, sans porter atteinte au principe de l'égalité devant la loi, l’ignorant, le déclassé, le vagabond, l'homme sans foyer, sans intérêt autre que le sien, restera, comme influence politique, au-dessous de l’homme instruit, de l’homme établi, du véritable chef de famille. Le suffrage universel dût-il s’irriter et nous traiter de réactionnaires, attachons-nous à lui faire voir que nonseulement le salut social, mais sa propre conservation, est à ce prix!
On a assigné d’autres causes que celle de l'individualisme qui nous déborde, que celle aussi de l'attitude diverse de l’aristoralie en France et en Angleterre, au sort différent de la liberté dans les deux pays. Ainsi, l'auteur de l’Essai sur l'histoire de France et des Origines du gouvernement représentatif, indique, dans ces deux ouvrages, que c’est peut-être à la conquête des Normands que l'Angleterre a dû ses libertés ; la souffrance, dit-il — acceptons cet augure après nos désastres — n’est pas toujours perdue pour les peuples, non plus que pour les individus. D'autre part, l'auteur de l'Ancien régime et la Révolution rappelle qu'en France nos pères ont joui, dans les
1 Sans d’ailleurs songer à rétablir aucun cens électoral, sans, porter atteinte au suffrage universel, ne pourrait-on, indépendamment {des conditions d'âge et de domicile, et lorsque viendra le jour de nous donner une constitution, soumettre à l'examen de l’Assemblée nationale une disposition comme celle-ci, dont le principe a été admis dans des États républicains :
« Article 4%. Tout citoyen est électeur.
« Art. 9. Nul n’est-citoyen et ne jouit des prérogatives politiques attachées à ce titre, particulièrement des droits électoraux, s’il ne donne par an trois journées de son travail à l'Etat, ou l'équivalent en argent. »
Ïlse trouvera sans doute des esprits absolus pour prétendre que ce serait détruire le suffrage universel. Nous croyons, nous, et de très-bonne foi, que ce serait un moyen de le sauver.