Les fêtes et les chants de la révolution française

QUATRE-VINGT-DOUZE. 83

en ce qui concerne les paroles, personne ne doute que ce soit Paris.

Mais l’auteur reste ignoré : c’est quelque bel esprit de carrefour, — peut-être plusieurs, suivant le principe du vaudeville qui, a dit Boileau, « s'accroît en marchant ». Aucun, en tout cas, ne s'est fait connaître.

Sur la musique, nous possédons au contraire un renseignement d’une valeur inespérée. Grétry a écrit, dans ses Essais : « La Carmagnole, qui nous vient du port de Marseille ». Du port : ce mot est de la littérature. Il faut comprendre tout simplement que l'air de La Carmagnole vient de Marseille, d’où il a été apporté, cela ne peut faire doute, par les mêmes Marseillais, grands chanteurs, auxquels fut due la popularité contemporaine de la Marseillaise. L'aspect de la mélodie confirme cette indication de la façon la plus péremptoire. L'air de la Carmagnole, Si on veut bien l’écouter en faisant abstraction du sens des paroles, est celui d’une chanson populaire, d'une « ronde à danser », comme la tradition orale en a conservé dans toutes les provinces de France. Je ne l'y ai pas, à la vérité, retrouvée dans son intégralité; mais bien des airs de danse qu’on chante encore dans nos campagnes renferment l’une ou l’autre de ses périodes mélodiques. Le début de la mélodie ressemble presque note par note à celui d’une chanson de bergère qui a Joui d’une grande vogue au xvin: siècle :

Je veux garder ma liberté Et mon humeur coquette.

On retrouve également la même formule dans une ronde que J.-F. Bladé a recueillie dans le pays d'Agen :

Quand je me suis mise à la danse A la main de mon bel ami...

Un détail rythmique vient accuser encore le caractère