Les fêtes et les chants de la révolution française

84 FÊTES ET CHANTS DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.

de la mélodie : on ne peut noter la première phrase de la Carmagnole qu'en mélangeant les mesures à deux et à trois temps, suivant un procédé familier à la chanson populaire; les notations qui veulent se conformer à la régularité de la musique savante sont boiteuses, et déforment la ligne si naturelle du chant.

La seconde phrase se reconnaît fréquemment dans les airs de branle ou de bourrée que les ménétriers du centre de la France jouent sur leurs cornemuses.

Quant au refrain final, il est d’allure si franche qu'on doit penser qu'il a toujours dû servir à rythmer la danse. Évidemment ‘on a chanté d’abord : « Dansons la Carmagnole » sans autre intention que si on eût dit : « Dansons la Boulangère », ou tout autre nom de danse populaire au xvin° siècle. Et cela fait penser que l'apport des Marseillais ne consiste pas seulement dans la mélodie, mais aussi dans le premier vers du refrain, qui aura donné son nom à la chanson. Le nom de « carmagnole » donné aux Piémontais qui, tous les étés, venant de Carmagnola ou d’ailleurs, passent les Alpes pour venir aider les cultivateurs de France à faire la moisson, la vendange, la cueillette des olives, est un terme courant dans le midi. Ces gens-là ont certainement dansé la carmagnole avec les filles de la Provence longtemps avant 1792, — comme ailleurs on danse la bourbonnaise, la mâcontaise, l’auvergnate. Ne faisons pas doute que les Marseillais du 10 août l’aient dansée à leur tour à Paris, et que les Parisiens leur aient emprunté leur refrain, en y ajoutant sa conclusion révolutionnaire.

A l'encontre du Ça ira, qui est inchantable, l'air de la Carmagnole a été utilisé pour une multitude de chansons diverses. Je n’en ferai certes pas l'énumération;