Les fêtes et les chants de la révolution française

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pyramide ; et soudain la musique, cessant ses accords funèbres, leur fit succéder des chants vifs et triomphants, « célébrant ainsi la gloire des citoyens morts pour la liberté, — espèce d’apothéose des victimes dont on célébrait la mémoire ». Cette conception musicale est l'embryon de celle que Berlioz réalisera, près de cinquante ans plus tard, en écrivant sa Symphonie funèbre et triomphale en commémoration des victimes de juillet 1830 : cette œuvre comporte, exactement, les trois parties de la fête du 10 août : Marche Junèbre, Oraison funèbre, Apothéose.

Les événements fournirent enfin l’occasion de célébrer des fêtes plus joyeuses. Sur le champ de bataille de Valmy, Kellermann voulut faire chanter le Te Deum. Mais le ministre de la Guerre, Servan, lui écrivit :

« La mode des Te Deum est passée... Faites chanter solennellement, et avec la même pompe que vous auriez mise au Te Deum, l'hymne des Marseillais, que je joins ici à cet effet. »

Ce fut ainsi, au lendemain de la première victoire des armées révolutionnaires, que le chant de Rouget de Lisle fut, pour la premictre fois, exécuté officiellement dans une fête nationale.

Quinze jours plus tard, et dans une circonstance analogue, il reçut la consécration de l'exécution parisienne : il fut chanté à la fête donnée sur la place de la Révolution le 14 octobre pour célébrer la conquête de la Savoie. Ainsi fut réalisé le rêve formé dès les premières fêtes de la Révolution : la France libre et républicaine eut désormais son Te Deum.

Et depuis ce jour, la musique composée pour les fêtes nationales affecta un caractère nouveau. Non seulement la Marseillaise fut chantée dans toutes les cérémonies,