Les fêtes et les chants de la révolution française

QUATRE-VINGT-TREIZE. 95

afin de saluer le soleil levant, « symbole de la vérité à laquelle ils adresseront des louanges et des hymnes ». Le « champ de la Réunion » était l'emplacement de la Bastille, sur les dernières ruines de laquelle avait été élevée la « fontaine de la Régénération, représentée par la Nature » : c'était une statue colossale, dans le style égyptien, montrant l'image d’une femme assise et prenant de ses mains ses deux seins, d’où l’eau jaillissait. Le monument avait grand caractère; un artiste qui assista à la fète et en a laissé une relation, le graveur Mille, dit qu’il eût mérité d’être coulé en bronze. L'Hymne à la Nature, de Gossec, exécuté au moment où parut l’astre radieux, est lui-même une paraphrase musicale de la description simple et frappante qui précède la Profession de foi du Vicaire savoyard : « Les rayons du soleil levant rasaient déjà les plaines, et, projetant sur les champs par longues ombres les arbres, les coteaux, les maisons, enrichissaient de mille accidents de lumière le plus beau tableau dont l'œil humain puisse être frappé. On eût dit que la nature élalait à nos yeux toute sa magnificence... » La musique, en restant dans une forme très classique, affectant même, au contact de David, une certaine raideur qui n’est point trop le fait des précédentes compositions de Gossec, a un caractère de grande élévation, presque de mysticisme. Les voix murmurent, s’exhalant en une charmante expansion mélodique : « Touchant réveil, calme enchanteur »; elles s’harmonisent avec les dessins concertants des instruments, dont les trames les enveloppent comme une atmosphère douce. Mème on trouve, dans l’accompagnement, une formule rythmique, un simple grupetlo, que plus d’une moderne composition descriptive a utilisé, et dont des maîtres tels que Beethoven et Berlioz ont tiré grand parti : le ruisseau de la Symphonie pastorale,