Les fêtes et les chants de la révolution française
XVI PRÉFACE.
entre ceux qui chantent ensemble un courant sympathique qui les rapproche, confond leurs pensées et les dirige au but.
La foi révolutionnaire ne pouvait négliger un moyen si puissant pour gagner les âmes.
Le moment, d’ailleurs, était favorable. Au xvuie siècle fleurissaient les traditions de ce qui nous parait être l'essence même du lyrisme : nous voulons parler de l’expression des sentiments dignes d’inspirer l'enthousiasme, l’adoration, la foi. Les lyriques grecs, les antiques bardes de nos contrées, les auteurs des hymnes chrétiennes célébraient les louanges des hommes ou de Dieu : là était leur unique rôle, et ce rôle était noble et grand. Car c’est un des plus enviables privilèges de la poésie et de la musique que de savoir chanter : « Gloire! Victoire! Hosannah! », de faire retentir, résumer en une harmonieuse acelamation le cri de tout un peuple. Or, plus qu'aucun autre, le siècle de Bach et d'Hændel a réalisé ce noble idéal. Le Gloria de la Messe en si mineur, l'Alleluia du Messie, le finale de la Créalion — en attendant l'Ode à la Joie — sont parmi les plus grands chefs-d'œuvre de l'Art.
Et ce n’est pas seulement dans l'expression du sentiment religieux proprement dit que cette art excelle, mais toute louange, tout hommage rendu à une idée digne de la forme lyrique trouve en lui son plus efficace mode d’interprétation. J'ai cité le Gloria de Bach : mais tous ses oratorios, ses cantates, soit sacrées, soit profanes, ont les mêmes élans, — et l’on sait qu'il en a composé pour toutes les circonstances de la vie publique auxquelles il put être mêlé : avènement d’un roi, visite d’un prince à sa ville, installation d’une nouvelle assemblée communale, etc. De même, l’auteur de Don Juan écrivait sur commande des morceaux parfois destinés à des cérémonies tout à fait privées ou familiales : des marches, des sérénades, mêmes des danses pour des noces de bourgeois de Salzbourg ou des fêtes de seigneurs de la cour impériale. Dans un ordre d'idées plus relevé et plus proche de l’objet qui nous occupe, il a laissé des œuvres spécialement écrites pour les cérémonies de la franc-maçonnerie, notamment des cantates et une admirable marche funèbre.