Les fêtes et les chants de la révolution française
_ still
PRÉFACE. XXVII
berceau, par les fêtes, on allait au tombeau », — il assure que l'éducation se fera par les fêtes encore :
« Quand l’homme, écrit-il, s’est un peu fait dans l'enfant, son père le prend : grande fête publique, grande foule dans Paris. Il le mène de Notre-Dame au Louvre, à l'Arc de Triomphe. D'un toit, d'une terrasse, il lui montre le peuple, l'armée qui passe, les baïonnettes frémissantes, le drapeau. Dans les moments d'attente surtout, dans ces formidables silences qui se font tout à coup sur le sombre océan du peuple, il se penche, il lui dit : « Tiens mon enfant, regarde : voilà la France, voilà la patrie. Tout ceci, c'est comme un seul homme. Même âme et même cœur !. »
Comment exprimer l’idée d’une si puissante harmonie sous une forme immédiatement compréhensible, si ce n’est en faisant appel au langage de l'harmonie elle-même?
Tolstoï a défini l’art « un moyen de communication entre les hommes, une des conditions de la vie humaine »; il dit que son rôle est d’ « unir tous les cœurs dans un même sentiment, et que, par là, il est indispensable à la vie de l'humanité et à son progrès dans la voie du bonheur ». Celui des arts qui, par sa nature, est le mieux destiné à réaliser ce magnifique idéal, c’est la musique unie à la poésie, la parole ailée, soutenue par la vibration du chant, et emportant tout à sa suite, comme un tourbillon,
1. Ces citations sont prises dans le discours prononcé par M. Léon Bourgeois au Panthéon pour le centenaire de Michelet, le 13 juillet 1898. 11 serait trop long de citer les paroles de tous ceux qui s'intéressent aujourd’hui à la cause des fêtes nationales, encore que le nombre n’en soit pas grand : mentionnons au moins MM. Joseph Fabre, Maurice Bouchor, Romain Rolland, Gérault-Richard, Charles Morice. Mais je veux évoquer par quelques mots particuliers la mémoire d’un admirable artiste qui, si une mort prématurée ne nous l’eùt récemment enlevé en pleine vie, eût été capable de mener à bien la tâche pour l’accomplissement de laquelle nous nous agitons vainement, car il était homme de volonté et d'action autant que de pensée : Eugène Carrière, peintre harmonieux et profond de la vie, apôtre convaineu de la solidarité et de l'amour, et dont l’œuvre, toujours tournée vers la vie intérieure, constitue par elle seule la plus haute lecon morale. 11 avait été élu président d’un comité des Fêtes humaines, — et