Les fêtes et les chants de la révolution française

302 APPENDICE.

de ceux qui y ont coopéré, et cela est très naturel. Les écrivains qui ont recueilli les traditions relatives à la fête de l’Être suprême sont unanimes à y insister. Que leurs récits renferment des détails fantaisistes, cela ne peut étonner personne : faut-il pourtant rejeter tout ce qui na pas été confirmé par les documents officiels? Tout le monde, par exemple, est d'accord pour nommer Lesueur parmi les maîtres qui enseignèrent le peuple; cependant son nom ne figure sur aucune des lettres de députation. Mais ces lettres sont incomplètes : il y manque celles de plusieurs sections; qui peut dire si Lesueur, professeur à l'Institut au même titre que Méhul, n’était pas nommé sur une des lettres perdues? De même pour Cherubini, également désigné par les narrateurs postérieurs, mais dont le nom ne figure pas dans les pièces contemporaines. Ici, la question se complique de ce que Cherubini, le 19 prairial, ne faisait pas encore partie du personnel enseignant de l'Institut de musique. Mais Dalayrac était dans le même cas, et pourtant nous avons trouvé son nom sur la lettre qui le députait à la section des Lombards. En outre, Cherubini était à la veille d'y être admis; ce fut une décade, pas davantage, après la fête à l'Être suprême, le 1® messidor, que fut signée sa nomination ; il y a donc bien des raisons de penser qu'il voulut manifester son zèle en se joignant volontairement à ses collègues de demain. Et voici, à ce sujet, un nouveau témoignage qui va s'ajouter à ceux que nous possédons déjà et les confirmer. Quand eut lieu, en 18%4, le festival de l'Industrie dirigé par Berlioz, la Gazette musicale lui consacra (le 4 août) un compte rendu, signé Henri Blanchard, dans lequel je relève ces lignes :

« Il nous souvient d'avoir entendu dire à Cherubini comme quoi, malgré sa qualité d'étranger, il se mit à enseigner aux dames de la halle, violon en main et dans le lieu même de leur commerce journalier, ce fameux chant national qui poussait nos soldats à la victoire ou les faisait mourir gaiement pour la gloire du pays. »

Le dernier trait est parfaitement authentique : la Marseillaise (avec de nouvelles paroles) est un des deux chants