Les fêtes et les chants de la révolution française

308 APPENDICE.

deux jeunes héros n’est pas antérieure à l'éloge qu'en fit Robespierre dans son discours du 18 floréal : il dit que la strophe a pu être ajoutée après coup pour compléter le poème précédemment écrit; mais je ne crois pas que cette hypothèse puisse être admise, et je tiens pour certain que Chénier n'a pas, suivant le précepte de Boileau, cent fois, ni même deux fois sur le métier remis son ouvrage, mais qu'il l'a composé tout d'un trait, comme Rouget de Lisle a fait pour la Marseillaise. Et de même je ne crois pas que la composition puisse être reportée si loin de l'exécution, par cette autre raison que les maîtres de ce temps-là n'avaient pas l'habitude de si longtemps attendre pour produire leurs œuvres devant le public : au contraire, ils n'étaient habituellement que trop pressés! La composition du poème après le 22 prairial — plusieurs jours après peut-être, — la musique écrite et prête à être exécutée au milieu de messidor, voilà des dates conformes aux réalités de ce temps-là; et comme ces vraisemblances s'accordent avec les témoignages les plus sérieux, il y à tout lièu de penser qu’elles sont vérités.

IL est enfin une assertion que je rejette de la manière la plus formelle. Elle nous vient encore d'Arnault, qui, dans sa préface aux œuvres de Chénier datant de 1824 (trente ans après l'événement), parle sur un ton d’affirmation superbe du « Chant du Départ qui fut entendu pour la première fois dans les champs de Fleurus le jour même de la victoire ». Voilà de la littérature! Comment des historiens sérieux ont-ils pu s'arrêter un seul moment à de pareils propos? Le style même d'Arnault devrait suffire à mettre tout le monde en garde : on croirait lire de l’Alexandre Dumas! Même rhétorique, mêmes manières de piquer l'attention ! Beaux documents pour servir à l’histoire! Puisqu'il faut réluter cela, je répondrai que le renseignement donné par le collaborateur de Méhul ne peut pas être accueilli, pour de simples raisons de pratique et de mœurs musicales. Non, le Chant du Départ n'a pas été exécuté pour la première fois dans les champs de Fleurus le jour même de la victoire, par la raison très simple que ce Ghant est un « chant », qu’il exigé pour son exécution des « chanteurs »;