Les idées du Comte de Maistre sur l'éducation des femmes : discours prononcé dans la Société des Conférences de la Palombelle, au college romain

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n'écouta que son dévouement aux intérêts de son mari. Profitant d’un séjour de peu de durée qu’il avait été obligé de faire à Turin, elle part, elle traverse le Grand Saint-Bernard à dos de mulet, au milieu de neiges épaisses, — on était au commentcement de janvier, — accompagnée de Rodolphe et d’Adèle qu'on avait enveloppés dans des couvertures. Maistre, de retour à Aoste, s'élance sur ses traces. Il ne la rejoint qu'à Chambéry, refuse de prêter serment à la municipalité, et, comme on l’enjoignait de payer la contribution qu'on exigeait des Savoyards pour soutenir la guerre que les armées révolutionnaires avaient déclarée au Piémont, il fait cette belle et simple réponse: « Je ne donne point d'argent pour « faire tuer mes frères qui servent le Roi de Sar« daigne ». Aussitot Maistre est dénoncé; une visite domiciliaire a lieu dans sa maison; des soldats arrivent; ils remplissent l'appartement du bruit de leurs jurons et des coups de crosse de leurs fusils. Sur ces entrefaites, madame de Maistre accourt; elle s’effraie; elle se sent prise des premières douleurs de l’enfantement; et quelques heures plus tard elle mettait au monde une seconde fille. Cette enfant chérie, que Maistre allait rester près de vingt ans sans revoir, cette petite Constance, qu’il appelle énergiquement, dans ses lettres, la fille orpheline d'un père vivant, est morte, il y à quinze ans à peme, duchesse de Laval-Montmoreney (1).

(:) Tout ce récit est emprunté à la notice biographique que le comte Rodolphe de Maistre a écrite de son père et qu'il a publiée dans le premier volume des Lettres et Opuscules.