Les idées du Comte de Maistre sur l'éducation des femmes : discours prononcé dans la Société des Conférences de la Palombelle, au college romain

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ses filles, et les rappeler, s’il le fallait, à de plus hauts devoirs. Turin, où habitaient madame de Maistre et ses enfants, était alors chef-lieu de département francais, et le palais royal était devenu un hôtel de préfecture. On y donnait des fêtes. Quelques membres de la noblesse turinaise oubliaient assez les convenances pour y assister. «A propos » — écrit Maistre à Adèle — « j'espère que ta mère « t'a fait ma commission au sujet des bals. Je sais « ce qu’on doit aux circonstances ; mais jamais tu ne « dois danser dans le palais du Roi; je te le défends «expressément, et il en faut dire la raison tout haut: « Je ne danserai pas dans le palais du Roi à qui « mon père doit tout. Puisque je te l'écris en toutes « lettres, je n’ai pas peur qu'on le lise à la poste. La « délicatesse, la fidélité, l'honneur sont respectés par« tout. D'ailleurs, si l’on vous chasse, vous savez le « chemin de Venise. »

Venise, on se le rappelle, c’était la pauvreté, le dénuement et la misère. On voit que Maistre ne transigeait pas quand sa conscience, son patriotisme, son dévouement à son souverain étaient en jeu: Je ne donne pas d'argent pour faire tuer mes frères qui servent le Roi de Sardaigne, disait-il aux troupes révolutionnaires, en exposant ainsi sa vie. 7x ne danseras pas dans le palais du Roi à qui ton père doit tout, écrivait-il à sa fille, en exposant ee qu'il avait de plus cher que la vie aux tristesses et aux privations de l'exil. Maistre était de la race de ceux qui n'ont pas deux paroles; il pouvait porter fièrement la noble devise qu’il avait reçue de ses ancêtres