Les pamphlets de Marat

6 LES PAMPHLETS DE MARAT

Qu'ils prennent donc à jamais sur eux seuls toutes les charges de l’État, qu'ils le soutiennent, le défendent et le fassent fleurir ; qu'ils fécondent les champs, qu'ils bâtissent les villes, qu’ils exploitent les mines, qu'ils conduisent les ateliers, qu'ils dirigent les manufactures, qu’ils fassent le commerce, qu'ils rendent la justice, qu'ils instruisent la jeunesse, qu'ils construisent les vaisseaux, qu'ils équipent les flottes, qu'ils forment les armées. Et vous, Gitoyens malheureux, fuyez une patrie ingrate qui vous doit tout; et qui vous rejette de son sein. Mais où m'emporte un saint zèle? Non, non, ne quittez point vos foyers, et sentez ce que vous pouvez. C'est vous qui faites la force et la richesse de l'État. A votre tête, le Roi sera toujours le plus puissant Monarque de l'Univers; mais sans vous, à la tête de la noblesse et du clergé, il ne serait jamais qu'un simple Seigneur au milieu de ses vassaux ; et, semblable à ces petits Princes de l'Empire, forcé de mendier la protection d'un voisin puissant, crainte d'en être écrasé, il cesserait bientôt d'être compté parmi les Potentats.Que dis-je? sans vous, la France, arrosée de votre sueur et de vos larmes, cesserait de se couvrir de moissons, elle ne serait plus qu'un désert : sans vous, la source de sa fécondité serait tarie, et le Monarque lui-même périrait de faim. Qu'ils vantent avec faste leurs exploits, leurs services ; que sont-ils, comparés aux vôtres ? Forcé de faire un choix entre eux et vous, le Roi pourrait-il balancer un instant ? Mais, grâces au Ciel, il-n’en sera point réduit à cette dure extrémité; et la Nation ne sera point divisée, dissoute, anéantie. Au flambeau de la raison s’évanouiront peu à peu les ténèbres qui fascinent les yeux de vos ennemis : rentrant en eux-mêmes, et consultant leurs vrais intérêts, ils cesseront de s’armer contre la justice. O mes Concitoyens ! l'excès de vos maux à fait sentir la nécessité du remède. Une occasion unique se présente de rentrer dans vos droits : connaissez une fois le prix de la liberté, connaissez une fois le prix d’un instant. Que la sagesse dirige toutes vos démarches, mais soyez inébranla-