Les serviteurs de la démocratie

RABELAIS ! 15 En voilà un qui aurait fait singulière figure à l'hôtel de. Rambouillet ! Maïs en revanche quelle belle prestance à table! quelle vaillante fourchette et quelle ardeur puissante à l’heure des toasis ! Le premier et le dernier mot de sa douce philosophie était ce mot magique : trinque ! Cependant il faut bien se garder de voir là une excitation aux abus du cabaret. Trinque! c'est aussi et c'est partout un appel à la fraternité humaine. Comme le disait plus tard un poète plébéien, Pierre Dupont, traduisant en beaux vers la parole du grand Tourangeau : Aïmons-nous, et quand nous pouvons Nous unir pour boire à la ronde, Que le canon se taise ou gronde,

Buvons, buvons, buyons, A l'indépendance du monde!

NV

Le livre dans lequel Rabelais avait entassé toutes ses railleries, toutes ses critiques de la société de son temps, le Pantagruel, fut dénoncé comme impie par les moines et les magistrats. [ls venaient enfin d’apercevoir « la moelle cachée dans los »; mais loin de la trouver substantielle ïls la déclaraient malfaisante et empoisonnée. L'auteur, quelque peu effrayéi par les clameurs que soulevait son ouvrage, prit la résolution prudente de ne plus écrire. Il consentit même à rentrer dans Îes ordres et devint curé de Meudon. Les biographes de Rabelais s'accordent à dire que ce fut un curé modèle, indulgent pour les péchés d'autrui; ne proscrivant aucun divertissement honnête, pas même la danse, et préchant à tout le monde la tolérance. On