Les serviteurs de la démocratie

MONTESQUIEU 33 Montesquieu écrit à lord Chesterfield, « de taille mes vignes moi-même et je vends mon vin fort cher, mais je n’y mets point d’eau ». Il parait qu’en ce temps-là déjà, tous les propriétaires des crus de la Gironde n’en pouvaient dire autant !

Vivant ainsi au grand air, au milieu de ses prés, de ses bois et de ses vignes, se couchant tard et se levant tôt, on conçoit que le grand écrivain préférât la méditation dans « sa chère solitude » aux frivolités mondaines. Il gardait le meilleur de son esprit pour ses livres. Ses contemporains y ont perdu; mais nous y avons beaucoup gagné. J

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Montesquieu se présente devant la postérité avec trois chefs-d'œuvre : Les Lettres persanes, l'Esprit des Lois et les Considérations sur la grandeur et la décadence des Romains, dont nous n’avons rien dit encore. Ce dernier travail se compose seulement de quelques pages; mais elles sont merveilleuses d’érudition et de profondeur. En les lisant on apprend sur Rome plus de choses que n’en renferment la plupart des volumineuses histoires de l'antiquité. Montesquieu a emprunté à Tacite son secret. Il abrège fout parce qu'il voit tout. Dans ce remarquable opuscule l’auteur reste fidèle au libéralisme. de ses premiers écrits. Là aussi, là surtout, il fait toucher du doigtles dangers du despotisme. « C’est par la liberté que les peuples grandissent ; c’est par le : pouvoir personnel qu'ils s’affaiblissent et meurent. » L'éclipse de la grandeur romaine coïncide avec l'éclipse, de la liberté politique.

5 Fi)