Les serviteurs de la démocratie

52 LES SERVITEURS DE LA DÉMOCRATIE

Sans doute celui-ci n’est pas né en France, mais il est d’origine française. Sa famille, après la révocation de l’édit de Nantes, s'était réfugiée à Genève. Là naquit Jean-Jacques en 1712. Il a raconté lui-même dans un livre immortel, les Confessions, V'étrangeté de sa première éducation. Son père, simple ouvrier horloger, mais homme très intelligent, lui permit de lire de bonne heure toutes sortes de livres. Une autre intelligence que celle de Rousseau aurait suecombé sous le poids de ces lectures prématurées. Jean-Jacques résista heureusement à cette indigestion littéraire. Son esprit demeura cependantun peu troublé à la suite d’une telle épreuve. « J’appris à penser avant de savoir réfléchir, a-t-il dit lui-même, et j'en ai gardé un embarras dont je n’ai jamais pu me défaire. »

: Le père de Rousseau ayant été expulsé de Genève à la suite d’un duel, son fils, qui n'avait jamais connu sa mère, fut recueilli par un cousin, le pasteur Lambercier. Jean-Jacques ne resta pas longtemps, malheureusement pour lui, chez ce digne ecclésiastique. Il entra comme apprenti chez un graveur brutal dont il avait peur, ce qui lui enseigna la dissimulation et le mensonge. Fatigué d’être en butte à des tracasseries et à des violences, le jeune apprenti quitta Genève et commença la vie vagabonde qu’il a si bien racontée. Il fut contraint, pour gagner sa vie, d’accepter les fonctions les plus humbles et les plus équivoques. Tour à tour on le voit pensionnaire de M° de Warens, professeur de musique, entrepreneur de concert, pré cepteur, laquais, secrétaire d’ambassade à Venise et enfin homme de lettres. C'est à ce dernier ütre surtout qu’il intéresse l'opinion publique et qu’il mérite le nom de serviteur de la démocratie.