Lettres inédites de Frédéric Gentz à sir Francis d'Ivernois (1798-1803)

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dévoré que ses premières victimes, qui en demande et qui en obtiendra une infinité d’autres. Je crois qu’il faut être préparé à cette crise effroyable, et qu’au lieu d’en atténuer la grandeur, en nourrissant l'espérance de la prévenir par des moyens ordinaires, il faut se frayer, il faut frayer au moins à la postérité le chemin d’en sortir, en combattant le monstre par les armes que lui-même nous a fourni (sic). En un mot, s’il est vrai que la France subjuguera, qu’elle a déjà subjugué le monde par la force aveugle, et par des moyens inexplicables par les principes et en contradiction avec tous les principes, il faut jeter un voile sur les principes — sans cependant y renoncer un seul moment —, attaquer la force par la force, et dire de ce système bienfaisant, qui avait commencé si heureusement d’organiser l'Europe au vrai bonheur social, par le travail, par l’ordre, par le commerce, par une administration savante, ce que le poète disait de la liberté de sa patrie, prête à expirer

Non ante revellar Examinem quam te complectar RE luumque Nomen..….… et inanem prosequar umbram.

Voilà le triste résultat de tout ce que j'ai pensé depuis six mois sur l’état où nous nous trouvons. Si vous me croyez dans l'erreur, Monsieur, ne me refusez pas vos lumières; je serais heureux, infiniment heureux si Je pouvais passer avec vous quelques semaines pour discuter tant de choses que des lettres et des livres ne sauraient jamais traiter que faiblement et imparfaitement. Mais comme enfin la correspondance est la seule consolation qui nous reste, ne me privez plus pour si longtemps que vous l'avez fait cette fois-ci, d’un si précieux dédommagement; conservez-moi la bienveillance dont vous avez paru m'honorer jusqu’à présent, et croyez aux sentiments distingués et au dévouement inviolable avec lequel Je suis touJours |

Votre très-humble, très-obéissant et très-fidèle serviteur,

GENTZ. Berlin, ce 8 août 1800.