Louis XVI et la Révolution

LA COUR. 105

quelques exemples, le préposé aux cabinets du roi, ou, suivant son titre officiel, le porte-chaises d'affaires, coûte vingt mille livres par an au Trésor. Encore sert-il bien rarement. Dans son Tableau de Paris, Mercier raconte qu’un jour « le roi, étonné de voir une figure qu'il ne connaissait pas, demande quel est cet homme : on se regarde, on dit qu’on ne le connaît point. Le roi envoie demandef au personnage quel il est. L’inconnu riposte en s’inclinant qu'il avait l'honneur d’être le porte-chaises d’affaires de Sa Majesté, que son service ne l’appelait à la cour que lorsqu'elle prenait médecine ». Les officiers de toute nature sont nombreux à Versailles. La maison d’une dauphine d'un an, après tous les retranchements, se monte encore à quatre-vingts personnes employées uniquement autour d’un enfant. Et tout ce monde exploite sa situation. Les quatre

.premières femmes de chambre de la reine n’ont que douze

mille livres de traitement; mais les bougies de l’appartement, entamées ou non, leur appartiennent chaque jour, et cela seul leur fait cinquante mille livres à chacune. Aussi le Trésor paye-t-il en tout pour quatre cent cinquante mille livres de bougie par an; aussi accuse-t-on Necker de faire des économies de bouts de chandelle en réduisant ce crédit à cinquante mille livres, ce qui est encore fort honnête. Dans la vie ordinaire, le roi est royalement volé. Sitôt qu'il survient quelque imprévu, c'est un pillage. L’intendant des menus plaisirs évalue une fête projetée à huit cent mille livres : le directeur du Vauxhall la prend pour la dixième partie de cette somme. Jusqu'en 1785, le garde-meuble fournit, pour chaque déplacement à Marly, trois mille lits. Un voyage de la cour ressemble à l’émigration d'une peuplade. Pour voiturer tout ce monde, il faut un énorme convoi. En 1787, après toutes les économies, les seules écuries du roi et de la reine renferment encore treize cent quatre-vingts chevaux. Dans ces voyages, ce n’est pas le roi seul qui se ruine, ou plutôt qui obère le pays. Quiconque est attaché à sa personne est tenu à des dépenses exorbitantes.