Louis XVI et la Révolution

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du monde, mais dans laquelle la malignité publique trouve des armes contre la royauté : en 1787, on applaudit avec fureur, de façon à en faire un outrage pour la reine, ces vers d’Athalie :

Confonds dans ses desseins cette reine cruelle !

Daigne, daigne, mon Dieu, sur Mathan et sur elle

Répandre cet esprit d’imprudence et d'erreur

De la chute des rois funeste avant-coureur!

La liberté de l’allusion est à peu près la seule qu'on ait : à coup sûr la liberté de la presse n’est pas encore venue; le journal est trop surveillé pour qu'il soit possible d’y dire la vérité, ou de la dire longtemps. On lit pourtant en France le Courrier d'Europe, et les Annales de Linguet. Le roi laisse du reste supprimer cette dernière feuille, malgré le plaisir qu'il y prenait. Linguet a pu écrire au roi : « Vous dont l'estime était la plus flatteuse récompense et le plus puissant encouragement à mon travail. » Mais le parlement est plus fort que la royauté et supprime les Annales. À défaut du journal on a le livre. ‘ Les brochures politiques pullulent sous Louis XVI: « Les boutiques où se débitent les brochures, dit Young, font des affaires incroyables... Chaque heure en produit une. Il en a paru treize aujourd'hui, seize hier, et quatre-vingt-douze la semaine dernière. » M. Chassin, qui cite dans son Génie de lu Révolution, bien des titres de ces brochures, en estime le nombre à environ quinze cents; le débit en était assuré, car on ne lisait plus que cela, au témoignage de Besenval. Le baron, dont la clairvoyance par instants est bien singulière, est un des premiers à indiquer le danger : suivant lui, les philosophes « opèrent par leurs écrits ce qu’on faisait, dans les jours d’ignorance, par les conjurations, par le poison et le fer. Les rois s’endorment là-dessus ; l'Église lance des foudres perdues; le Parlement brûle un livre pour le multiplier; l’avenir est menacé des terribles effets de cette insouciance; elle sera