Louis XVI et la Révolution

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roi lui-même; après avoir abattu le pouvoir royal, le peuple lui restera longtemps attaché, par une force d'habitude étrange. Pour que cette masse, enlisée dans ses affections, puisse s’en dépêtrer, pour que le peuple fasse un progrès, même médiocre, il faudra que des énergumènes dépassent le but, entraînant ainsi la foule, qui va plus lentement, jusqu'aux limites de la sagesse : « …... Dans les révolutions, il est nécessaire d’avoir des enthousiastes qui aillent au delà du but, pour que les personnes sages et prudentes puissent y parvenir. » On pourrait trouver dans ce livre génial jusqu’à une psychologie du système de la Terreur.

Mais surtout Mably a le grand honneur d’avoir exposé à l'avance toute la philosophie de la Révolution : c’est la liberté, l'égalité, la fraternité, qu'il prêche à tous, même au roi « Dans le sujet qui vous respecte, voyez votre frère, voyez un homme que vous devez aimer. » Et rien de chimérique ne se mêle à ces spéculations, car Mably indique le moyen pratique de réaliser cet idéal, et de passer insensiblement de la monarchie absolue, où il est indispensable d’avoir des hommes de génie vertueux sur le trône, au pouvoir tempéré, qui peut réussir même avec une médiocrité malfaisante; il dit au futur roi : « Il est sage de vous défier de vos vertus et de vos talents, il est nécessaire que vous vous attendiez à avoir des successeurs indignes de vous, car le mérite n’est point héréditaire comme les titres et les principautés. Quel est donc votre devoir? De vous mettre, vous et vos successeurs, dans la douce nécessité d’obéir aux lois, de les préserver des vices qui accompagnent une autorité arbitraire, afin que vos sujets n’aient point ceux que donne l’obéissance servile. La vérité n’a qu’un conseil à vous faire entendre : assemblez, monseigneur, les états de votre pays; mais faites, pour les rendre utiles, tous les efforts que d’autres princes ont faits pour avilir, dégrader et ruiner ces augustes assemblées connues sous le nom d'états généraux. »