Louis XVI et la Révolution

2 LOUIS XVI ET LA RÉVOLUTION.

on s’irrite contre ce personnage, si fort au-dessous de son rôle, et qui a contribué plus que personne à irriter le peuple jusqu’à la fureur. Lorsqu'on lit ensuite les mémoires et les correspondances des contemporains, l'impression se précise : chez Louis XVI l’homme vaut mieux que le roi.

Quoiqu'il eùt été fort mal instruit, il avait essayé de combler lui-même les lacunes de son instruction. Même, s'il fallait en croire un de ses anciens pages, le comte d'Hézecques, Louis XVI aurait aimé le théâtre, en particulier la tragédie : « Connaissant bien tous les grands poètes, juste appréciateur de leurs beautés, et doué d’une mémoire heureuse, ce prince se trouvait là dans son élément. La sublime mélodie des vers de Racine lui était particulièrement agréable. Je me rappelle qu'un soir, au coucher, à Fontainebleau, on parla d’une tragédie de ce poète qu'on venait de représenter. Un des courtisans voulut en réciter quelques vers qu’il estropia. Le roi prit la parole, et nous débita toute la scène avec une justesse d'expression qui témoignait du goût du prince, et de son instruction. » Cette admiration pour l'esprit du roi était de tradition chez ses pages. Gouverneur Morris raconte que l’un d'eux lui parlait un jour de son étonnante sagacité, de son intelligence, de son instruction, etc., l'Américain ajoute : «il devait ètre persuadé, je suppose, de la naïveté de ses auditeurs. » Louis XVI, en effet, élait peu ouvert aux plaisirs de l'esprit. La musique l'ennuyait; seule Didon trouva grâce devant lui : c’est le seul opéra, disait-il, qui m'’ait intéressé. Il le redemanda même deux fois. Ce qu'il préférait surtout, c'était la géographie, les récits de voyage, l’histoire; au témoignage de Besenval, il avait même acquis des connaissances assez étendues, il entendait le latin et l’anglais. Mercier, en visitant la bibliothèque particulière du roi, remarque un livre fatigué par l'usage : « c’est le dictionnaire anglais de Boyer; il est usé comme le dictionnaire d’un écolier, ce qui prouve qu'il est consulté journellement. » Aussi l’empereur,