Louis XVI et la Révolution

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première séance dure un jour et demi, presque sans discontinuer, et le bruit commence à se répandre en Europe que la cour de France est devenue une maison de jeu. En 1777 Joseph IT écrit au comte de Mercy : « Je suis vraiment fâché que nos raisonnements, surtout pour la fureur du jeu, aient si peu fait d'effet sur l'esprit de la reine. Je fais à ma sœur, par ce courrier, le tableau, en court, de ce que les Anglais à Vienne disent du séjour de Fontainebleau, qu'ils comparent pour le jeu à Spa. » Ce que l’on ne sait pas, heureusement, c’est que la reine s’est faite banquière, et qu'elle joue contre la banque, où elle a un intérêt. Sous son impulsion le jeu devient ruineux pour tout le monde, même pour elle. En 1778, tous comptes faits, la reine est en perte de sept mille cinq cent cinquante-six louis : elle trouve la somme énorme, elle qui peut puiser dans la cassette de l’économe Louis XVI. La morale de toute cette affaire est tirée par Joseph IT, qui écrit à sa sœur, des rives du Danube : « Pourriez-vous dissimuler que toute la partie sensée de l’Europe vous rendrait responsable des ruines des jeunes gens, des vilenies qui sy commettent, et des abominations qui en sont les suites, si vous protégez et étendez ces jeux, ou que bien plus vous les recherchiez et couriez après? »

Mercy, qui surveille l'opinion publique avec inquiétude, constate que l’on se plaint de toutes ces folles dépenses. La

seule écurie de Marie-Antoinette coûte par an deux cent mille

livres de plus que celle de la feue reine. Et voici par surcroît que la reine s’est prise de la manie de bâtir. Le publie commence à trouver que le Petit-Trianon coûte bien gros. On dit tout bas qu’on a dépensé pour une seule fête, malgré l'opposition de Necker, quatre cent mille livres. À coup sûr, d’après des documents authentiques, dans un diner en l'honneur du roi de Suède, on mange, ou tout au moins on sert aux différentes tables, trois mille six cent cinquante livres de viande, deux mille œufs, cinq cent soixante-dix-neuf poulardes, dindons,