Marie-Antoinette, Fersen et Barnave : leur correspondance

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« Me voilà arrivé ici, ma chère amie, première étape de ma destination. Je suis parti de Paris le 23 mars, mais les mauvais chemins et les mauvais chevaux m'ont forcé d'employer six jours à faire un chemin qu'on fait sans cela en trois ou quatre. Je suis dans une joie parfaite de penser que nous allons partir, que je vais faire la guerre et que j'accomplirai quelque chose. Je suis parfaitement bien traité par tout le monde ici; le général, qui connaît beaucoup mon père !, a beaucoup de bonté pour moi, et nous sommes six aides de camp auprès de lui. Nous avons de l'occupation toute la journée; il n’y a que les soirées qui sont un peu longues. La société est peu gaie à Brest. Mais il y aura bientôt la ressource du spectacle qui commencera. I1y a ici beaucoup de jeunes gens de Paris et de la Cour, qui sont colonels dans l’armée ou aides de camp; je suis fort bien avec eux tous, ils paraissent être de mes amis, nous soupons souvent ensemble. C’est un de mes camarades, le comte de Damas, qui nous donne à souper. Il est logé chez son oncle qui est capitaine de vaisseau, et il a sa maison, car l'oncle est à Paris. C'est là que nous nous délassons des fatigues de la journée. Notre embarquement sera fini le 8, et le 12 ou le 13 nous devons mettre à la voile. Nous ne savons pas encore où nous allons, mais dans quelque partie du

1. Le feld-maréchal Fersen avait autrefois servi dans l’armée française,