Marie-Antoinette, Fersen et Barnave : leur correspondance

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assez d’honnètes gens pour faire ce qu’il faut pour la sauver. Il en existe bien quelques-uns, peut-être même le plus grand nombre, mais ils sont dominés par la peur. Les scélérats seuls sont audacieux. Ils gouvernent despotiquement et les autres les craignent et se soumettent. C’est ce qui arrive depuis la Révolution. J'enrage de ne pouvoir rien faire. Cela ne me console pas de penser que j'ai fait tout ce que j'ai pu. Je voudrais pouvoir lui donner ma vie. Je la sacrifierais avec joie. L'état où est la Reïne fait bouillir Le sang. Seule, dans une infâme prison, séparée de tout ce qu’elle a de plus cher, livrée à toute l'horreur de sa situation. Ce tableau m’estconstamment devant les yeux. Nous avons fait des démarches secrètes pour lui venir en aide. Puissent-elles réussir. Taube vous dira ce qui en est. Mais nos moyens sont bien faibles. Comment la Providence permet-ellé de tels forfaits? Puisse-t-elle aider nos vœux et nos prières. Adieu ma chère Sophie. Aimez toujours votre frère qui est bien malheureux. »

Mais les tentatives faites pour arriver jusqu’à la Reine et l’aider à s'évader n’ont fait qu'aggraver sa situation. Elle-mème demande qu’on ne les renouvelle plus. Elle ne consentira jamais à s'évader sans les siens, et il est hors de possibilité que tous puissent parvenir à se sauver à la fois. Fersen est obligé de renoncer à ces tentatives. Il frémit lorsqu'il apprend qu'encore une vient d’être faite à son insu,