Marie-Antoinette, Fersen et Barnave : leur correspondance

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courage héroïque, à la grandeur d'âme d’une sainte, qui suit son chemin de la Croix du Temple à la Conciergerie et du tribunal révolutionnaire à l’échafaud.

Cette correspondance avec Barnave nous montre une troisième phase de son caractère. Nous trouvons en elle une femme politique, à l'esprit alerte, ferme et viril, au jugement sûr et pratique, qui sait dominer ses sentiments, qui à le courage d'aller à l’encontre des traditions dans lesquelles elle a été élevée, dans le but de sauver la vieille monarchie française en l’accommodant aux idées nouvelles. Ainsi qu’elle nous le dit, elle avait vu là « un devoir à accomplir » et elle est prête à sacrifier ce qu’elle appelle « ses préjugés » : ses sentiments intimes, son amour des traditions et ses instincts conservateurs pour accomplir ce devoir; elle se rallie à la constitution qui est «le vœu de la nation » pour sauver le Roi et son peuple, car « ces deux ne font qu'un ».

Si elle a failli en cette tâche, si elle a été emportée par l'ouragan qu'elle espérait apaiser, c'est que les partis extrèmes, les seuls qui agissaient et savaient ce qu'ils voulaient, combattaient également son œuvre, ceux de l’intérieur pour détruire la monarchie et la remplacer par la république, ceux du dehors pour restaurer l’ancien régime et maintenir les privilèges de la noblesse et du clergé. Réagissant les uns sur les autres, ils lui ont rendu la tâcheimpossible, ils ont réduit son œuvre à néant pour aboutir