Mémoire sur la Bastille

LINGUET 43

n'ai pas dit un mot qu’elle puisse désavouer. D'où viennent donc les entraves auxquelles on prétend me soumettre ?

En repassant la mer, j'ai changé de lieu, mais non pas de cœur; j'ai fait sans regret le sacrifice de ma fortune; je ne ferai pas celui de mon indépendance, ni des prérogatives auxquelles un accord solennel m’a donné droit. On ne peut me punir de mon amour pour la France, de ma confiance au ministère de France, de mon dévouement en tout sens pour ma patrie; on peut me déterminer, à force de dégoût, à cesser d’écrire; on ne me réduira jamais à écrire en esclave. De toutes les indemnités que le Gouvernement de France me doit, la franchise de ma plume est, ce me semble, la moins coûteuse, et, j'ose le dire, la plus utile pour lui.

Voilà, je n’en doute pas, et je n’en ai jamais douté, quoique je n’en aie jamais parlé, la véritable cause de mes infortunes; voilà ce qui a décidé le ministère de France à saisir l’occasion de se venger : il n’avoit pas pu refuser à la hauteur, à la netteté de ma conduite, lors de ma sortie d'Angleterre, la parole solennelle dont j’ai parlé ; il n’avoit pas pu trouver, depuis, même de prétexte pour la violer.

D'ailleurs, je dois à la mémoire de M. le comte de Maurepas cette justice : il n’étoit ni vindicatif