Mémoire sur la Bastille

78 MÉMOIRES SUR LA BASTILLE

chambre ne peut servir qu’à en faire mieux distinguer l’obscurité.

Ainsi en hiver ces caves funestes sont des glacières, parce qu’elles sont ainsi élevées pour que le froid y pénètre ; en été ce sont des poêles humides où l’on étouffe, parce que les murs en sont trop épais pour que la chaleur puisse les sécher.

Il y en a une partie, et la mienne étoit de ce nombre, qui donnent directement sur le fossé où se dégorge le grand égout de la rue Saint-Antoine ; de sorte que, quand on le nettoie, ou en été dans les jours de chaleur un peu continuée, ou après chaque inondation, accident assez commun au printemps et en automne dans ces fossés creusés au-dessous du niveau de la rivière, il s’en exhale une infection pestilentielle. Une fois engoufirée dans ces boulins que l’on appelle des chambres, elle ne se dissipe que très lentement.

C’est dans cette atmosphère qu’un prisonnier respire; c’est là que, pour ne pas étouffer entièrement, il est obligé de passer les jours, et souvent les nuits, collé contre la grille intérieure, qui Pécarte, comme je viens de le dire, même du trou taillé en forme de fenêtre par laquelle coule jusqu’à lui une ombre de jour et d’air. Ses efforts pour en pomper un peu de nouveau par cette sarbacane étroite ne servent souvent qu'à épaissir autour de lui la fétidité qui le suffoque.