Mémoire sur la Bastille

x PRÉFACE

prisonnier, même de marque, dans son jardin particulier. IL avait fait murer un passage à double coude qui commençait entre la Comté et le Trésor et menait au bastion, de sorte que l’on ne pouvait plus s’y rendre que par le chemin de ronde, c’est-àdire en sortant par la grande porte.

Les tours, de hauteurs inégales, avaient toutes la forme cylindrique. Linguet les compare à des mues de fauconnier, Servan à des tonneaux bien cercles, où un gouvernement prudent tient renfermé le vin des idées généreuses, et l'empêche de s’évaporer. Mais laissons les comparaisons. Il ÿ avait huit cachots souterrains : deux dans la tour de la Bertaudière, deux dans celle de la Liberté, un dans chacune des tours de la Bazinière, de la Comté, du Coin et du Puits. Depuis quinze ans, déposent en 1789 les quatre porte-clefs, on ne mettait plus de prisonniers dans aucun de ces cachots, humides et malsains. Chaque tour se terminait par une calotte exposée à toutes les ardeurs de l'été. Entre le cachot et la calotte, un escalier, interrompu par des portes, desservait quatre ou cinq étages, qui ne consistaient chacun qu’en une chambre, en général octogone. Il y avait de bonnes et de mauvaises chambres. Mais toutes étaient munies d’une seule fenêtre extérieure à triple grillage, d'une cheminée barrée avec soin dans toute sa longueur, et d’une porte solide à triple verrou. Les chambres ne se touchaient pas : entre planchers ct