Mémoire sur la Bastille

96 MÉMOIRES SUR LA BASTILLE

de longs mémoires, discuter sérieusement s’il ÿ a quelque différence entre un étui de mathématiques et un canon. Après un autre mois, grâce à la charité, à l’imagination du commissaire du château, les compas sont venus; mais comment? garnis en os. On avoit fait faire, à mes dépens, de cette matière, tout ce qui, dans un étui de mathématiques, doit être d’acier.

Je conserve précieusement cette garniture géométrique d’un genre nouveau. Après en avoir, pendant ma vie, orné mon cabinet, j'aurai soin, en mourant, qu’elle soit consignée dans un dépôt où elle puisse trouver des spectateurs : elle y figurera avec honneur au milieu des monumens de l’industrie des peuples barbares, dont nos voyageurs nous rapportent quelquefois des échantillons. Nulle part on ne trouvera d’invention de sauvage qui mérite autant la curiosité publique.

Par une suite de ce principe qu’un homme ainsi mis sous la main du roi, ou plutôt du ministère, doit devenir invisible sans exception, pour ne pas déroger à cet escamotage atroce on a voulu que l'existence des prisonniers dépendît exclusivement des mains qui sont employées à la cacher. Le gouYerneur en entreprend la nourriture à forfait, et cette gargote royale est lucrative.

Le ministère a fondé à la Bastille quinze places, qui sont payées, occupées ou non, sur le pied de