Mémoire sur la Bastille
XII PRÉFACE
familier, un régiment se fasse metire en pièces pour ramener son drapeau troué de balles et taché de sang : de tels événements, grands ou petits par euxmêmes, ne valent que par ce qu’ils signifient. La religion, la patrie, l'honneur, l'amour, la fidétité, toutes les grandes choses ont leurs symboles. Sans le vouloir, sans presque s’en douter, l’absolutisme de l’ancien régime eut aussi son symbole : la Bastille. C’est l'opinion publique, c’est Le sentiment populaire qui en ont ainsi décidé. Un arrêt aussi unanime ne se discute pas. Voyons sur quelles raisons historiques il s'appuie.
D'abord simple capitainerie royale, puis gouvernement, la Bastille était devenue une institution de police et de sûreté générales. Prison d’État, elle l'avait été de tout temps : l’on se souvenait des cages de fer, des cachots en forme de cônes renversés que l’impitoyable Louis XI y avait fait construire. Toutefois, si les princes dela maison de Nemours avaient été torturés à la Bastille, si elle rappelait les noms du maréchal de Biron, de Bassompierre, de Fouquet, du chevalier de Rohan, du duc de Luxembourg, et bien d’autres, c’est à Plessis-lez- Tours que le cardinal La Ballue avait été encagé comme une bête fauve, c’est dans la grosse tour de Bourges que le duc d'Orléans, plus tard Louis XII, avait été enfermé; la plupart des monastères avaient leurs in pace ; bref, le royaume et la capitale contenaient de nombreuses prisons d'État