Mémoire sur la Bastille
XVIIT PRÉFACE
« Pour qu’une peine quelconque, dit Beccaria, ne soit pas un acte de violence d’un seul ou de plusieurs contre un citoyen, elle doit être publique, prompte, nécessaire, la plus légère qu’il est possible, eu égard aux circonstances, proportionnée aux délits, dictée par les lois. » Sans doute il n’est pas une législation, pas un système judiciaire ou pénitentiaire, qui réponde entièrement à cet idéal. Mais l'ancien régime s’en éloignait volontairement ; il pouvait dire : « Video meliora proboque, — Deteriora sequor. » Les Parlements, à d’honorables exceptions près, étaient tout aussi bien que les « gens en place» partisans des anciennes formes. Îls ne voulaient pas que l’instruction füt publique, ni que l’accusé d’un crime fût pourvu d’un conseil, ni que le point de fait füt séparé du point de droit et soumis au jugement d’un jury. De plus, eux qui demandaient à cor et à cri la suppression des lettres de cachet, d’abolition, de grâces, de surséances, comme contraires à la justice, ils ne se résignaient qu'à grand’peine à voir effacer de nos lois la question préalable et la question préparatoire. N'oublions pas que les bourreaux de Calas et de La Barre ont un peu déclamé contre la Bastille : 1° parce qu’ils ny pouvaient envoyer personne ; 20 parce que le roi pouvait les y mettre. De fait, la Bastille était un paradis en comparaison de Bicêtre ou du Châtelet, dont le Parlement de Paris avait la haute surveillance; mais, en théorie, elle représentait