Mémoires du général Baron Roch Godart (1792-1815)

DANS LE MIDI EN 1815 221

insurrection. Tout ce qu’il y avait de plus canaïlle dans cette ville était sur la route armé de fusils, et tirait sur mon escorte et sur moi. Je sommai les gendarmes de se détacher pour faire rentrer ces mutins dans l’ordre, et de leur dire que, si je devais être fusillé, c'était au cheflieu du département et non à Rabastens. Ils réussirent à les disperser. Arrivé à Rabastens, je fus mis dans une maison où cinquante hommes armés de cette populace megardaient en meprésentant leurs baïonnettesau corps, m’apostrophant de mille injures, et me menaçant de me fusiller, Au bout de deux heures, les gendarmes revinrent me prendre et me conduisirent à Gaillac. Avant d’entrer en ville, je vis venir au-devant dé moi un jeune homme que j'avais protégé à Albi, et qui venait d’être nommé sous-lieutenant de gendarmerie par le chef d’escadron qui s’y trouvait. Ce jeune officier ordonna à ses gendarmes de me laisser libre. Je dus ma liberté à la lettre que je venais d'écrire au maire d'Albi. Je fus conduit chez quelques amis qui étaient venus à ma rencontre. Il se trouvait sur la place un détachement de cent hommes à peu près, armés de fusils et de gibernes, qui venaient de Toulouse, ayant abandonné leur drapeau. Ils appartenaient au 79° régiment que j'avais commandé pendant quinze ans ‘. Ces militaires m'ayant reconnu me témoignèrent leur indignation de me voir traiter ainsi. Je les tranquillisai sur mon sort, en les invi-

1 Le 19e, renvoyé en Illyrie à la fin de 1809, avait été occupé en Catalogne en 1811, 1812 et 1813, puis partagé entre l'Espagne et la Grande Armée en 1813. Le gros du corps fut prisonnier en 1$14. L'ordonnance du 12 mai 1814 ju avait donné le numéro 69, maile décret du 20 avril 1815 lui rendit son ancien rang. Les deux bataillons de guerre furent incorporés dans le VIIIe corps de l’armée du Nord ; mais leurs compagnies d'élite restèrent à Montauban et furent détas chées en colonnes mobiles pendant les Cent Jours. Le 3e et le 4° bataillon restèrent à Toulouse.